Cédric Chevalier : Renforcer la protection des ressources en eau potable
- Les Indépendants
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12 juin 2025
Proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses - Dossier législatif
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre
Mes chers collègues,
Je souhaite d’abord partager un constat que nous faisons, je le crois, tous ici : malgré des efforts constants, malgré l’empilement des dispositifs réglementaires et normatifs au fil des années, la protection de la qualité de l’eau reste largement insuffisante. Les pollutions diffuses continuent de se propager, les nappes phréatiques s’épuisent et la préservation de la ressource en eau ne répond pas, aujourd’hui, à l’ampleur des enjeux environnementaux et climatiques.
Dans le même temps, nos agriculteurs, soumis à une pression normative croissante, font face à une complexité administrative qui devient, pour beaucoup, étouffante. Ils expriment une lassitude compréhensible, celle de professionnels à qui l’on demande toujours plus, sans toujours leur en donner les moyens, ni même l’écoute.
À ce constat s’ajoute une inquiétude profonde, que je veux ici exprimer clairement, quant au texte qui nous est proposé aujourd’hui. Les mesures envisagées, annoncées sans réelle concertation, sont déséquilibrées.
Elles risquent d’aggraver la situation de notre monde agricole, déjà fragilisé par les crises successives, l’augmentation des charges, la volatilité des marchés, et une reconnaissance sociale souvent défaillante.
Ajouter une nouvelle couche de contraintes réglementaires dans ce contexte revient à jeter de l’huile sur le feu. C’est alimenter un sentiment d’injustice, voire d’abandon, chez celles et ceux qui nous nourrissent.
La réduction mécanique de la surface agricole utile – la SAU – entraînera inévitablement un impact direct sur les revenus des exploitations. Et ce sont, encore une fois, les plus petites structures, les plus vulnérables, qui seront touchées les premières. Ce sont nos territoires ruraux, déjà fragiles, qui verront s’éroder leur activité, leur dynamisme, leur équilibre.
Nous devons regarder cette réalité en face : c’est toute la filière agricole qui se retrouve ici sous pression, alors même que la souveraineté alimentaire devrait, plus que jamais, être érigée en priorité nationale.
Il serait également injuste – et contre-productif – de ne pas reconnaître les efforts considérables que nombre d’agriculteurs ont déjà entrepris.
Grâce à leur engagement, grâce à l’innovation, à la recherche agronomique, à l’adaptation de leurs pratiques, beaucoup ont su réduire leur usage d’intrants, intégrer les préoccupations environnementales, et modifier profondément leur manière de produire.
Il est donc temps de sortir d’une logique qui oppose systématiquement écologie et agriculture, qui privilégie trop souvent la contrainte à l’accompagnement, et qui oublie une chose essentielle : la transition écologique ne pourra réussir qu’avec les agriculteurs, jamais contre eux.
Nous devons repenser en profondeur notre manière d’agir. Il faut privilégier des politiques transversales, fondées sur la concertation, l’écoute, le soutien technique et financier, et la valorisation des bonnes pratiques. L’accompagnement doit devenir le fil conducteur de notre action publique, car c’est la condition de l’adhésion et de l’engagement durable des acteurs de terrain.
Oui, bien sûr, la contrainte peut être nécessaire, notamment face à des situations de blocage manifeste. Mais croire qu’elle suffira à elle seule serait une illusion dangereuse, contre-productive à terme. Elle risquerait surtout de démobiliser celles et ceux dont nous avons le plus besoin : les femmes et les hommes qui, chaque jour, cultivent, élèvent, produisent.
Nous le voyons actuellement, puisque nous sommes obligés constamment de revenir sur toutes les mesures qui ont été prises en terme d’écologie punitive de façon unilatérale et brutale.
Il est donc indispensable d’associer pleinement les agriculteurs et l’ensemble des acteurs de l’eau à l’élaboration des dispositifs. Leur expertise de terrain, leur connaissance fine des écosystèmes, leur capacité d’adaptation sont des atouts précieux. Les exclure de la discussion serait une erreur stratégique majeure.
Et puis, n’oublions pas le contexte. Alors que le gouvernement a engagé un travail de fond sur la protection des captages et que la crise agricole reste vive, il serait irresponsable d’adopter dans la précipitation un texte qui risquerait d’entrer en contradiction avec les orientations à venir. Le temps parlementaire doit rester un temps de réflexion, d’équilibre, et non un réflexe de réaction.
En conclusion, j’en appelle à une approche plus juste, plus équilibrée, plus responsable. Une approche fondée sur la concertation, l’accompagnement, la justice et l’écoute des réalités de terrain.
Oui, protéger l’eau est une nécessité absolue. Mais cela ne peut pas – cela ne doit pas – se faire au détriment de celles et ceux qui nourrissent la France. Travaillons avec nos agriculteurs, et non contre eux. C’est à cette condition que nous pourrons bâtir ensemble un avenir à la fois durable, cohérent et prospère.
Comme vous l’aurez compris, chers collègues, notre groupe s’opposera à ce texte. Par ailleurs, je proposerai un amendement visant à supprimer l’article 1er, afin d’éviter de prolonger inutilement les débats.
Je vous remercie.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.