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Daniel CHASSEING : Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022

08 novembre 2021


Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Madame la Présidente de la Commission,

Madame la Rapporteure générale,

Mesdames et Messieurs les Rapporteurs,

Chers Collègues,


Nous examinons le dernier PLFSS du quinquennat. Il s’agit d’un texte actant les effets à long terme de la crise sanitaire sur les comptes sociaux, et le souhait de nous tourner vers l’avenir, susceptible de renforcer l’accès à la santé pour l’ensemble des Français.


Les comptes sociaux absorbent l’onde de choc provoquée par la crise sanitaire, avec un déficit global de plus de 22 milliards d’euros en 2022, contre 35 milliards en 2021. Ce dernier est essentiellement supporté par la branche maladie, victime d’un effet de ciseau entre contraction des recettes et hausse des dépenses liées aux mesures du Ségur de Santé et l’amortissement bien sûr des effets de la crise. La lutte contre l’épidémie devrait coûter près de 5 milliards en 2022 contre 15 milliards cette année.


Le déficit est moins marqué que prévu grâce à un climat économique favorable avec des perspectives de croissance supérieures à 6% du PIB et 4% en 2022. Les hypothèses se fondent sur une amélioration durable de la situation sanitaire, lorsqu’elles reposent sur la poursuite de la campagne vaccinale, une vigilance renouvelée en matière de prévention des contaminations et un suivi actif de l’évolution des formes du virus. Si 88% de la population majeure est désormais vaccinée – c’est un succès –, la pandémie n’est pas encore vaincue, elle regagne du terrain en France et dans le monde et nous devons rester mobilisés.


Nous allons débattre d’un certain nombre de questions importantes allant de l’organisation de notre système de soin à la réforme des retraites, sans oublier la question du grand âge, qui est essentielle à mes yeux.


J’aimerais pour commencer saluer les avancées apportées par le texte, pour renforcer l’accès aux soins et aux droits sociaux.


D’abord, les revalorisations salariales des soignants et du secteur médico-social se poursuivent, en accord avec les conclusions du Ségur de la Santé. A ce sujet, il serait souhaitable, Monsieur le Ministre, de renforcer la lisibilité des mesures de revalorisation successives adoptées afin de mieux identifier les catégories de personnels qui ne bénéficient pas encore du complément de traitement indiciaire de 183 euros nets par mois. Ces « oubliés du Ségur » – j’espère que ça va s’arrêter – subissent de graves difficultés financières, dans les établissements ; une pénurie de personnel, alors qu’ils sont pleinement mobilisés pour soigner et accompagner les personnes les plus vulnérables.


L’accès aux soins visuels sera facilité, grâce à la mobilisation des orthoptistes qui voient leurs compétences élargies à l’article 40. En effet, la filière souffre d’une répartition inégale des professionnels sur le territoire et d’un fort cloisonnement, justifiant depuis 2016 un élargissement progressif du pouvoir de prescription des orthoptistes. Je suis favorable à cette tendance, même si nous devons préserver le lien entre patient et médecins ophtalmologues pour certains contrôles oculaires.


Je suis favorable à la gratuité de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans et nous devons l’étendre également aux hommes. Le remboursement des préservatifs masculins permettrait de prévenir les risques de transmissions des infections sexuellement transmissibles, et de grossesses non désirées. Les services de dépistage relèvent une recrudescence des IST chez les jeunes, et nous devons donc renforcer notre politique de dépistages IST, pas seulement du VIH.


L’article 49 prévoit de généraliser le dispositif d’intermédiation financière pour faciliter le versement des pensions alimentaires, sachant que le taux d’impayé se situe autour de 30%. Il s‘agit d’une évolution majeure pour lutter contre la pauvreté des familles monoparentales, qui concernent souvent les mères célibataires. Nous devons en plus réfléchir au contexte de baisse de la natalité, continu depuis 2006, comme l’a dit le rapporteur.


Le développement de la télésurveillance, la revalorisation de l’indemnité des congés de proche aidant et congé de présence parentale et l’accès facilité aux médicaments innovants sont également des mesures bienvenues ainsi que la retraite à mille euros pour les exploitants agricoles, la suppression de la sur-cotisation sur la prime feu des sapeurs-pompiers, la délivrance de substituts nicotiniques par le pharmacien sont également des avancées. Le Gouvernement s’est aussi engagé à présenter un amendement pour compléter le dispositif de la proposition de loi présentée par Paul Christophe et adoptée par le Sénat la semaine dernière.


En revanche, nous devons aller plus loin pour lutter contre les déserts médicaux, en particulier, renforcer l’accès aux soins psychiatriques et aux médecins généralistes. Je présenterai des amendements pour instaurer un conventionnement sélectif dans les zones sur-dotées. Les amendements que j’avais déposés pour obliger les jeunes médecins généralistes à exercer les premières années dans les déserts médicaux ont été jugés irrecevables. Je le regrette parce que cela s’aggrave.


Concernant le financement de la cinquième branche de l’assurance maladie, je dois dire, malheureusement pour moi pour nous, le compte n’y est pas. 400 millions d’euros sont dédiés au grand âge dont 200 millions d’euros pour les créations d’emploi (ça représente 0,5 emploi par EHPAD) alors qu’il faudrait consacrer, dans les deux ou trois ans, deux milliards d’euros pour le seul renforcement des effectifs soignants, soit 5 soignants supplémentaires en moyenne par EHPAD. Nous passerions ainsi à un encadrement de 0,6 à 0,7 ETP par pensionnaire. Cette mesure est demandée depuis des années par les directeurs, le personnel, les familles. Alors, Monsieur le Ministre, nous pouvons comprendre l’étalement dans le temps de ces créations d’emploi en raison de la crise sanitaire mais nous ne pouvons pas comprendre le renoncement au renforcement des effectifs des soignants en EHPAD, c’est indispensable pour la prise en charge décente de nos aînés et ne pas faire d’échange à la course. Les quelques mesures présentées ne sauraient constituer une réforme digne de ce nom. Les EHPAD doivent se concentrer sur la prise en charge des plus hauts degrés de dépendance. Déjà en 2007, le rapport du Ministre Philippe Bas, proche d’ailleurs du rapport Libault actuel, préconisait un taux d’encadrement, dans les cinq ans, d’un soignant par pensionnaire lorsque le GMP avoisinera 800. Nous sommes à 750 en moyenne avec un taux d’encadrement de 0,6 seulement. Notre politique du grand âge doit changer d’échelle si nous voulons préparer correctement l’avenir des séniors. En 2050, 2,5 millions de personnes seront en perte d’autonomie, deux fois plus qu’en 2015. Je suis favorable à l’ouverture des EHPAD vers l’extérieur, comme vous le proposez à l’article 31, à condition d’apporter un complément aux SSIAD et aux EHPAD. Je propose un amendement ouvrant vers l’extérieur les PASA : les pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) dans les territoires où il n’y a pas d’ESAT : d’Equipe de soins Alzheimer à domicile. Les personnes extérieures ayant des troubles cognitifs pourraient avec un certificat médical être incluses au PASA des EHPAD sans frais supplémentaire.


L’amélioration du maintien à domicile amorcé, Monsieur le Ministre, doit être poursuivi. C’est le souhait de 90% de nos concitoyens.


La population française est vieillissante ; cette réalité nécessite un vrai questionnement sur le système de retraite. Si nous ne voulons pas pénaliser les retraités en diminuant les retraites, ni le niveau de vie des actifs en augmentant les cotisations, le report de l’âge légal de départ à la retraite – sauf pour les métiers pénibles – peut être une solution, bien sûr en recherchant l’accord des partenaires sociaux.

La commission propose cette année l’âge de la retraite à 64 ans. Associés à cette mesure paramétrique, nous devons favoriser la durabilité de l’emploi avec trois leviers : la prévention, la formation continue et la transmission des compétences par le tutorat et le mentorat.


Monsieur le Ministre, nous saluons l’augmentation des salaires des soignants qui doit être équitable pour tous les intervenants et les avancées citées le texte mais nous déplorons l’absence de proposition d’une trajectoire financière pour la prise en charge décente de nos aînés à domicile et en établissement.

Interventions au Sénat

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