04 novembre
Proposition de loi constitutionnelle garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers Collègues,
La pratique des ordonnances dans notre République est devenue problématique, et ce, pour deux raisons.
La première c’est que nous voyons le recours aux ordonnances s’intensifier depuis plusieurs décennies. De 1984 à 2007, on dénombrait 14 ordonnances par an.
De 2007 à 2012, la moyenne annuelle a grimpé à 30, avant de presque doubler, en atteignant 54 sous le dernier quinquennat.
Entre 2017 et 2020, on en compte environ 64 chaque année. La pandémie est passée par là. La tendance s’affiche clairement : le pouvoir exécutif recourt de plus en plus aux ordonnances.
L’autre problème, c’est que la ratification des ordonnances n’est pas systématique, loin de là. Sous ce Gouvernement comme sous les précédents, beaucoup ne sont pas ratifiées. Et la tendance est à la baisse.
Le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions en 2020 dans lesquelles il juge que les ordonnances doivent être regardées comme des dispositions législatives, à l’expiration du délai d’habilitation. Le seul dépôt du projet de loi de ratification suffit à leur validité.
Cette jurisprudence ne nous paraît pas conforme à l’esprit de la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnance. Elle n’est évidemment pas de nature à inciter le Gouvernement à davantage de ratification.
Notre collègue Questeur Jean-Pierre Sueur et le groupe socialiste nous proposent de modifier la Constitution afin d’imposer une ratification expresse des ordonnances à peine de caducité. Cette proposition renoue avec l’esprit de la procédure des ordonnances.
Le Parlement a la faculté d’habiliter le Gouvernement à légiférer dans des matières déterminées et pour une durée limitée.
Il est en effet nécessaire que le Parlement puisse ratifier l’ordonnance ainsi prise avant que celle-ci n’acquière les qualités de la loi. Cette étape renforce la légitimité du texte. Il donne également la possibilité à la représentation nationale de parfaire et d’enrichir si nécessaire les dispositions de l’ordonnance.
Cette proposition de loi a reçu le soutien du rapporteur Philippe Bas et de la commission des lois.
Quelques ajustements ont été apportés au texte afin de permettre le recours aux ordonnances pour les cas d’urgence, pour la codification à droit constant de dispositions ou encore pour l’adaptation du droit aux outre-mer.
Le texte encadre par ailleurs les délais. Le délai d’habilitation ne peut dépasser 12 mois. Le délai de ratification ne pourra excéder 18 mois sous peine de caducité des dispositions concernées.
Les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle fixent un cadre clair à la procédure d’habilitation. Elles replacent le Parlement dans son rôle. Les ordonnances font partie des outils législatifs mais elles doivent être utilisées avec précaution.
Donc notre Groupe soutient ce texte qui affermit les prérogatives du Parlement, dans cette Ve République faisant la part belle bien sûr à l’Exécutif.
Les parlementaires que nous sommes doivent continuer d’être vigilants lorsque nous autorisons les gouvernements à prendre des mesures qui relèvent du domaine de la loi.