Espace réservé : PPL visant à assouplir les contraintes à l’usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d’immatriculation et à sécuriser l’action des forces de l’ordre
- Les Indépendants
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17 Décembre 2025
Visant à assouplir les contraintes à l’usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques
d’immatriculation et à sécuriser l’action des forces de l’ordre : Dossier législatif
Pierre-Jean Rochette (Auteur) - Discussion générale
Madame la Présidente, merci,
Madame la Ministre,
Madame la Présidente de la Commission des Lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers Collègues,
Une voiture, un téléphone et une arme, voici le parfait kit de base du criminel moyen en 2025. Trois outils qui sont autant de pistes à exploiter pour les forces de l'ordre. Mais encore faut-il leur en donner les moyens techniques et législatifs. Ce travail a déjà été fait, s'agissant du bornage téléphonique, devenu un acte presque banal, mais essentiel à la résolution de nombreuses enquêtes en matière de narcotrafic et de terrorisme notamment.
A l'instar des communications, il est indispensable que les forces de l'ordre disposent d'un outil opérationnel et efficace pour s'attaquer à la mobilité des criminels, traquer leurs déplacements, les toucher dans leurs flux. Encadré correctement avec une marge de manœuvre suffisante, les dispositifs LAPI répondraient parfaitement à ce besoin et constitueraient un apport décisif à la lutte contre la criminalité.
Ces dispositifs désignent l'ensemble des algorithmes permettant la lecture automatisée d'une plaque d'immatriculation en France. On en compte environ 650, ce qui est trop peu, dans un parc étatique, fixe ou mobile et utilisé majoritairement par les services des douanes, la police nationale et la gendarmerie nationale à des fins de prévention et de répression des infractions. Ils revêtent un intérêt tout particulier lorsque la nature de l'infraction nécessite la plus grande réactivité.
Attaques terroristes, alertes enlèvements ou tentatives de viols, on sait que sur ces méfaits-là, le temps est une arme et il faut aller vite. Et pour lutter contre les modes de criminalité générant des flux importants, trafic d'êtres humains, réseaux de passeurs et trafic de drogue. Plus largement, ils permettent de limiter l'engagement humain et les prises de risques pour nos forces de l'ordre.
A titre d'exemple, au Royaume-Uni, les dispositifs LAPI sont à l'origine de 80% des interventions policières. Les dispositifs LAPI aux Etats-Unis enregistrent 50 millions de plaques d'immatriculation par jour. Si l'utilité de la technologie LAPI n'est plus à prouver, les remontées du terrain font cependant état d'un outil loin d'être utilisé à son plein potentiel, avec trois principaux points de blocage, des possibilités d'usage limitées, un nombre trop restreint d'infractions, des délais de conservation de données excessivement courts et un manque de matériel.
Ce texte entend y remédier et libérer le potentiel de cette technologie par un assouplissement raisonnable et réaliste de sa réglementation. En l'état actuel du droit, les articles L233-1 et L233-1-1 du Code de la sécurité intérieure fixent une liste exhaustive d'infractions pour lesquelles les forces de l'ordre sont autorisées à mettre en œuvre ces dispositifs LAPI.
Plutôt qu'une liste incomplète qui deviendra vite obsolète face à l'évolution galopante de la criminalité, j'avais initialement proposé dans le texte un seuil de gravité à partir duquel l'usage du LAPI par les forces de l'ordre serait autorisé. L'élargissement de la liste proposée par le rapporteur et adoptée en commission, prenant notamment en compte les infractions d'évasion réalisées par violences, effractions ou corruptions, représente un bon compromis permettant de concilier mise en œuvre convenable des dispositifs LAPI et respect de la vie privée.
Dans les deux cas, le seuil de gravité et la liste exhaustive ont en commun de ne cibler qu'un certain niveau d'infraction, car les dispositifs LAPI n'ont en aucun cas vocation à être utilisés pour des petites infractions ou incivilités du quotidien. S'agissant des délais de conservation des données, la France se distingue dans l'Union européenne comme l'un des pays où les données LAPI sont conservées le moins longtemps, avec un délai initial de 15 jours ne pouvant être allongé qu'à seulement un mois en cas de rapprochement positif.
Or, cela va complètement à l'encontre de la logique appliquée en matière de finalités autorisées pour l'usage de ces technologies, voulant que celles-ci soient réservées aux infractions d'une particulière gravité, par nature difficile à combattre. Les enquêteurs présents sur le terrain vous le diront, un délai de conservation des données court permet de résoudre de petites enquêtes de courte durée là où les affaires complexes nécessitent des délais plus longs. Il semble donc indispensable d'allonger les délais de conservation des données en cohérence avec la gravité des infractions ciblées.
Si le passage à un délai initial d'un mois pouvant aller jusqu'à deux mois en cas de rapprochement positif prévu dans le texte initial et adopté en commission représente une avancée positive, le modèle belge me semble intéressant à évoquer et je vous proposerai un amendement allant dans ce sens. Pour les dispositifs LAPI, la Belgique prévoit en effet un délai initial d'un mois. Pouvant être prolongée jusqu'à un an uniquement en cas de rapprochement positif et sous réserve de la validation par un juge.
En prévoyant un délai supplémentaire vraiment significatif en cas de rapprochement positif, ce mécanisme donne de vraies latitudes aux enquêteurs et préserve la vie privée en conservant un délai initial d'un mois à défaut de rapprochement positif. C'est précisément cet équilibre qui doit être recherché avec ce texte. C'est d'ailleurs ce principe qui est appliqué en France pour l'accès par les forces de l'ordre aux données téléphoniques.
Dans cette logique, je vous proposerai lors de nos débats un amendement allongeant les délais de conservation des données, s'inspirant du mécanisme belge, je l'ai déjà dit. Sur le manque de matériel, enfin, la technologie LAPI n'a d'intérêt qu'accompagnée d'un maillage fin sur tout le territoire et de caméras capables de capter une image de bonne qualité.
Or aujourd'hui le parc étatique n'est composé, je l'ai déjà dit, uniquement de 650 dispositifs contre 5000 en Belgique. Il faut aussi tenir compte de la taille du territoire. 5000 en Belgique sur un territoire beaucoup plus petit que le nôtre et uniquement 650 en France et 13 000 au Royaume-Uni. Pour rappel, ces pays sont respectivement 18 fois et plus de deux fois plus petits que la France en superficie.
À cette sous-dotation manifeste s'ajoute la vétusté du matériel avec de nombreuses caméras vieilles de 10 ans affichant un taux de déchet dans les images traitées allant jusqu'à 40%. L'article 3 adopté par la Commission apporte une première réponse en permettant aux autorités publiques, les principales concernées étant les communes, de conventionner avec les forces de l'ordre pour l'installation et la mise à disposition de données LAPI.
Si cette mesure va là encore dans le bon sens, il me semble que le texte passe en l'état à côté d'un gisement précieux que sont les réseaux autoroutiers, en particulier les gares de péage, je vous proposerai donc un amendement visant à étendre le dispositif de l'article 3 aux sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Je vous le redis mes chers Collègues, le texte adopté en commission va dans le bon sens en permettant des premières avancées significatives pour un usage raisonnable et pleinement efficace des technologies LAPI. En réduisant l'asymétrie des moyens entre forces de l'ordre et criminalité organisée, en conciliant vie privée et intérêt de l'enquête.
Je remercie à ce titre le rapporteur, l'excellent Christophe-André Frassa et les sénateurs de la Commission des lois pour les échanges constructifs que nous avons eus. Notre capacité à faire aboutir un texte équilibré sur ce sujet envoie un signal positif en prévision des débats qui nous attendent dans les années à venir en matière de conciliation entre développement technologique et liberté publique.
Aujourd'hui nous parlons LAPI, demain ce sera probablement l'intelligence artificielle et les nombreux enjeux qu'elle soulève. Défi de la souveraineté, garde-fous à mettre en place, développement sur mesure pour les usages opérationnels.
Avant de finir, je tiens à remercier également le ministre de l'Intérieur et son cabinet pour leur implication sur ce sujet, ayant permis l'engagement de la procédure accélérée pour ce texte.
Je vous remercie de votre attention.
Pierre-Jean Verzelen (Orateur) - Discussion générale
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
Nous abordons aujourd’hui un sujet qui, sans être spectaculaire, est devenu absolument central dans le quotidien de nos forces de sécurité : le LAPI, la lecture automatisée des plaques d’immatriculation.
Cette technologie fait désormais partie du quotidien. Elle accompagne les flux de circulation, renforce les contrôles aux frontières, facilite le travail des douanes, et constitue pour les enquêteurs un repère précieux dans la reconstitution des déplacements.
Cela fait plus de quinze ans que le LAPI existe et son apport opérationnel est reconnu par tous ceux qui s’en servent. Les résultats parlent d’eux-mêmes, et les femmes et les hommes qui mènent les enquêtes savent à quel point ces outils peuvent, parfois, faire basculer un dossier.
Et pourtant, paradoxe bien français : alors que ces technologies se répandent dans de nombreux secteurs, y compris privés, celles qui devraient être au service de notre sécurité restent limitées par un cadre juridique devenu trop étroit. Pendant que les organisations criminelles, elles, changent de méthodes, se numérisent, se déplacent plus vite et plus loin.
On le constate dans tous les domaines : vols de véhicules destinés à l’exportation, trafics qui sillonnent le territoire, réseaux de passeurs, repérages en amont d’actions violentes… La route est leur premier outil logistique. Ne pas adapter notre droit, ce serait s’interdire de voir une réalité que nos forces, elles, affrontent tous les jours.
Le texte porté par notre excellent collègue Pierre-Jean Rochette répond précisément à cet enjeu. Il n’ajoute pas de complexité ; il apporte au contraire de la cohérence et du bon sens. Il nous invite à mettre enfin nos dispositifs de sécurité au niveau des menaces d’aujourd’hui.
Nos forces de sécurité disposent trop souvent de moyens insuffisants pour suivre des déplacements. Parfois, un véhicule suspect n’apparaît dans une affaire qu’après plusieurs semaines d’investigations.
Mais au moment où cette information devient utile, les données ont déjà disparu. Ce décalage fragilise les enquêtes et, dans certains cas, nuit à la manifestation de la vérité. C’est pour corriger cela que le texte propose trois avancées essentielles.
D’abord, la proposition de loi clarifie le périmètre d’utilisation du LAPI. Il ne s’agit pas de le généraliser mais de concentrer son usage sur les infractions où la mobilité joue un rôle clé : les vols organisés, les filières criminelles, les évasions. Là où le LAPI a une véritable utilité, et seulement là.
C’est le choix de l’efficacité, mais aussi celui de la responsabilité.
Ensuite, le délai de conservation des données est allongé pour correspondre aux réalités du terrain. Cette extension tient compte du temps long des investigations, dans lesquelles les connexions entre individus, lieux et véhicules n’apparaissent pas toujours immédiatement.
Et disons-le clairement : les garde-fous demeurent, ils sont solides et vérifiables. Les données inutiles ne sont pas conservées, les accès restent strictement limités, et l’ensemble est encadré par des contrôles exigeants.
Enfin, s’agissant des collectivités, le texte propose une coopération. Je salue ce choix qui respecte la liberté locale tout en permettant de bâtir, territoire par territoire, des dispositifs adaptés.
L’objectif n’est pas d’imposer, mais d’harmoniser et de rendre possible ce qui ne l’est pas suffisamment aujourd’hui.
Mes chers collègues, il est de notre responsabilité d’écouter celles et ceux qui sont sur le terrain, d’entendre leurs besoins, et leur fournir des outils qui ne sont ni intrusifs ni extravagants, mais simplement adaptés à leur mission de protection.
Le LAPI est un instrument concret de sécurité publique. Il ne remplace pas l’expertise humaine, il la renforce. Il ne diminue pas nos libertés, il contribue à les protéger.
La sécurité n’est pas un obstacle à la liberté : elle en est la condition la plus élémentaire. L’adoption de ce texte contribuera à mieux protéger nos concitoyens mais aussi à soutenir l’effort de nos forces de l’ordre.
Je vous invite donc à soutenir cette proposition de loi.
Je vous remercie.








