23 mai 2023
Projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet d'actes de spoliation dans le cadre des persécutions antisémites entre 1933 et 1945 (voir le dossier législatif)
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NB : 🗣 Retrouvez l'intervention du Sénateur Emmanuel Capus lors de l'examen du texte issu de la Commission mixte paritaire le 13 juillet 2023 en cliquant ici
🔎 Pour rappel, le Sénateur Joël Guerriau était l'orateur de notre Groupe lors de l'examen au Sénat en février 2022 d'un texte similaire : le projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites (voir l'intervention en cliquant ici).
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
La question de la provenance des œuvres d’art exposées dans les collections publiques est aujourd’hui un sujet majeur pour les musées français. Elle engage une profonde réflexion sur notre rapport à l’Histoire, à la politique mémorielle et à la formation de notre patrimoine culturel. Nous sommes face à un vaste débat de société, et celui-ci nous engage collectivement !
Au cours des décennies précédentes, l’humain était au cœur de la politique française de réparation des spoliations. L’heure était au recueil des témoignages et des récits transmis par les ultimes témoins du passé : commissaires-priseurs, fonctionnaires de l’administration, conservateurs de musées, marchands d’art.
Aujourd’hui, les biens culturels incarnent l’Histoire et sont porteurs de mémoire pour les générations à venir. Nous, parlementaires, avons le devoir de participer à la formalisation de la politique française de restitution grâce à ce projet de loi.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la déportation des Juifs de France s’est accompagnée du pillage méthodique de l’ensemble de leurs biens, notamment culturels.
Dès l’été 1940, de nombreux domiciles de familles juives ont été vidés « du sol au plafond » de leur mobilier, de leurs œuvres d’art, de leurs instruments de musique. A Paris, première place mondiale du marché de l’art, pas moins de 40 000 appartements ont été pillés.
Les œuvres spoliées ont d’abord été stockées à l’Ambassade d’Allemagne à Paris, puis au Louvre, et enfin au musée du Jeu de Paume à partir du mois de novembre 1940.
En France, on estime à 100 000 les œuvres volées ou vendues sous la contrainte. Un nombre sans doute sous-évalué.
Il est en effet calculé en s’appuyant sur les signalements réalisés après la guerre par les familles. Toutes ne se sont pas manifestées. Après la guerre, 60 000 de ces œuvres sont revenues en France, dont une grande partie a été rapidement restituée aux propriétaires. Certains biens ont été vendus, tandis que d’autres ont été confiés aux musées français.
Oublié quelques années, le sujet de la restitution des œuvres spoliées est revenu sur le devant de la scène au milieu des années 1990.
Depuis une vingtaine d’années, le nombre de restitutions augmente peu à peu, à l’image de la « Vierge à l'Enfant », de la « Vierge de pitié » et de la « Scène de bataille : Siège de Carthage par Scipion Émilien », rendus en avril dernier à leurs ayants droit.
Malheureusement, certaines œuvres n’ont pas encore retrouvé leurs propriétaires, et patientent dans les salles d’exposition de nos musées. Commence alors le rôle des historiens spécialisés : leurs longues enquêtes sont le travail de toute une vie !
Ils s’appuient sur un faisceau d’indices hétéroclites : les archives nazies, les services administratifs de l’Etat « collaborateur », les généalogistes, les marques apparentes sur les œuvres elles-mêmes, les prescriptions par les familles lésées.
Je voudrais toutefois saluer la mémoire de Rose VALLAND, attachée de conservation à Paris pendant l’Occupation. Figure active de la Résistance, elle a pris de grands risques pour archiver l’ensemble des œuvres spoliées et conservées au sein du musée du Jeu de Paume.
Nous lui devons une grande partie des restitutions d’après-guerre.
Aujourd’hui encore, nous devons affronter ce passé. Pour les œuvres qui appartiennent aux collections publiques, seule une loi spécifique peut autoriser leur sortie du domaine public en raison de leur caractère inaliénable.
Pour faciliter les restitutions, et éviter de légiférer au cas par cas, il était essentiel de prévoir une loi-cadre permettant d’aller plus vite. Nous pouvons nous féliciter que ce sujet soit l’une des priorités du Ministère de la Culture.
Ce texte pose également la question de « l’après-restitution ». Aucune compensation n’est prévue après la restitution de l’œuvre. Les musées vont devoir se réinventer pour continuer à faire vivre en leurs murs les œuvres rendues aux familles. L’art numérique peut être une piste de réflexion intéressante.
Je suis également favorable au fait d’encourager les familles volontaires à permettre au public d’accéder périodiquement aux biens culturels restitués. Ces différents sujets nourriront, je l’espère, de prochains débats.
Mes chers Collègues, l’historien Philippe VERHEYDE écrivait dans l’un de ses ouvrages que « l’histoire des restitutions des biens juifs est une histoire qui reste à faire ». La France en écrit aujourd’hui un nouveau chapitre.
C’est un très bon signal que notre assemblée se prononce de manière unanime sur ce sujet qui nous tient tant à cœur. Ce débat est essentiel au regard de l’immensité et de la complexité du défi de la restitution d’œuvres. Il doit se poursuivre dans les mois à venir.
Le Groupe Les Indépendants votera ce texte et s’en félicite.
Je vous en remercie.
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