22 mai 2024
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille - Voir le dossier législatif
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,
La proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille s’inscrit dans la continuité de notre engagement commun pour faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité, et de la lutte contre les violences conjugales une préoccupation de chaque instant.
Ce texte est primordial car il apporte des réponses concrètes à des situations inacceptables. En effet, de graves lacunes, lourdement préjudiciables aux victimes de violences conjugales, perdurent dans notre droit des régimes matrimoniaux.
Aujourd’hui encore, en l’état du droit, un mari peut tuer son épouse et malgré tout jouir de la pleine propriété de l’ensemble des biens communs ! Comment une situation aussi injuste a-t-elle pu perdurer jusqu’en 2024 ?
Aussi, je me félicite que sur ce point la commission mixte paritaire ait été conclusive. Un vide juridique tout à fait insupportable sera comblé dans quelques instants.
Si ce texte contient des avancées réelles, je regrette toutefois la suppression pure et simple des articles 2 bis A et 2 bis B portant sur les conditions d’octroi d’une décharge de responsabilité solidaire.
Le Sénat avait adopté deux mesures favorables à la justice patrimoniale au sein de la famille, qui est l’objet même de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Elles ont été balayées d’un revers de main par la CMP malgré la mobilisation des Sénatrices et des Sénateurs, et des associations de femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale.
Sur ce point, Monsieur le Ministre, permettez-moi de rappeler que votre collègue Thomas Cazenave avait jugé qu’il était inapproprié de les faire figurer dans un projet de loi de finances et nous avait incités à les faire adopter dans le cadre d’un véhicule législatif plus adéquat.
Ces dispositions, je le rappelle, consistaient en la création d’une nouvelle condition d’octroi de décharge de responsabilité solidaire tenant compte de l’origine frauduleuse de la dette contractée par le conjoint.
Par ailleurs, nous avions souhaité que les biens et droits immobiliers détenus antérieurement à la date du mariage ou de conclusion du pacte civil de solidarité soient écartés lors de l’examen de la situation patrimoniale du demandeur.
En effet, la dette fiscale constitue un terrible fardeau pour certaines femmes. Elle est souvent contractée à leur insu. Le rejet de leur demande par l’administration fiscale représente pour elles une double peine très injuste.
J’ai été touchée par le témoignage de Marie-Cécile publié dans le quotidien Libération dernièrement, que je vous invite à lire attentivement, Monsieur le Ministre.
Ce témoignage, qui n’est malheureusement pas unique, en dit long sur la logique administrative à l’œuvre.
Des familles déchirées, des vies brisées à jamais, la saisie de biens personnels qui constituaient une garantie contre les aléas de la vie des couples, une précarité indicible, une dette impossible à rembourser… voilà le triste résultat d’une politique fiscale qui, à défaut de faire payer le seul responsable des dettes, s’acharne sur celles qui se tiennent encore debout.
Certes, il reste le dispositif de remise gracieuse pour l’ex-conjoint en mesure de prouver qu’il est extérieur à la fraude à l’origine de la dette fiscale. Il pourra être considéré comme tiers à cette dette et, de ce fait, être exonéré de son paiement.
En outre, ce dispositif de remise gracieuse bénéficiera, sur proposition du Sénat, aux dossiers en cours n’ayant pas fait l’objet d’une décision définitive.
Mais la suppression des autres dispositions par la commission mixte paritaire me semble être une erreur car elle constitue un recul par rapport au texte plus protecteur issu des travaux du Sénat. Les unes comme les autres étaient de mon point de vue parfaitement conciliables.
J’ai entendu les engagements pris par le ministre Thomas Cazenave. Je ne doute pas de sa bonne foi. Mais je crois infiniment plus en la force protectrice de la loi qu’en la mansuétude préconisée par une circulaire ou une instruction ministérielle.
Croyez bien que je demeurerai extrêmement attentive à l’évolution de la situation des femmes concernées. En tout état de cause, le projet de loi de finances pour 2025 pourrait nous donner l’occasion de revenir sur ce sujet douloureux.
Avant de conclure, je tiens à saluer l’engagement des associations qui militent activement pour mettre un terme définitif à ces injustices insupportables faites aux femmes divorcées. Elles sont admirables de dignité et sont un vrai creuset de solidarité.
Monsieur le Ministre, mes chers Collègues, cette proposition de loi contient des avancées indéniables en faveur des droits des femmes.
Parce qu’elle contribue significativement à défendre la justice patrimoniale, le Groupe « Les Indépendants » lui apportera son soutien unanime.
Je vous remercie.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.