Laure Darcos : Restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire
- Les Indépendants
- 28 avr.
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Proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi pour la restitution du tambour parlant Djidji Ayôlwê à la Côte d’Ivoire.
Cette restitution répond à une attente de longue date de la communauté atchan, communauté d’origine du tambour parlant, pour laquelle celui-ci est sacré. Elle relève aussi d’enjeux diplomatiques, culturels, et juridiques. Au-delà, cette restitution participe de la consolidation de notre relation à la société civile et à la jeunesse ivoirienne.
En ce sens, je tiens à saluer l'initiative transpartisane qui a mené à cette proposition de loi, en particulier le travail de nos collègues Max Brisson, Laurent Lafon, Catherine Morin-Desailly, Pierre Ouzoulias, Yan Chantrel, Jean Hingray, Mathilde Olivier et Cédric Vial.
Sur le plan diplomatique, cette restitution est prioritaire. La Côte d’Ivoire, pays ami avec lequel nous entretenons d’excellentes relations, l’attend depuis des années. Confisqué en 1916 et conservé dans les collections françaises depuis 1930, ce bien est réclamé par sa communauté d’origine depuis des décennies.
En 2019, la Côte d’Ivoire a fait une demande officielle en ce sens. La France s’est engagée à y donner suite lors du Sommet Afrique-France de 2021. La restitution n’a pourtant toujours pas eu lieu, alors que le Sénégal et le Bénin, eux, ont bénéficié d’opérations de restitutions il y a peu.
Sur le plan culturel, cette restitution est essentielle. Depuis 2022, plusieurs opérations préparatoires ont été menées à cet effet par le Musée du Quai Branly. Celui-ci a accueilli la communauté atchan pour une cérémonie de désacralisation préalable à la restitution. Une coopération muséale d’ampleur a aussi été mise en place avec le Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, l’Agence française de développement et Expertise France.
Cette restitution fait aussi écho au renforcement de nos relations avec la société civile ivoirienne, en particulier sa jeunesse. De nombreux projets réunissant nos deux pays ont déjà vu le jour comme le « Hub franco-ivoirien pour l’éducation ». Rendre le tambour parlant au peuple ivoirien contribue aussi, en un sens, à ces initiatives destinées à la jeunesse ivoirienne.
Le 7 juin 1978, l’appel d’Amadou-Mahtar M’Bow pour, je cite, « le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable » a marqué les esprits. Il y rappelait à quel point certains biens culturels participent de la mémoire collective de leur peuple d’origine. Pour cette jeunesse ivoirienne, qui aspire à mieux connaître ses racines, la restitution dont nous débattons aujourd’hui revêt une dimension particulière. A nous d’agir pour que la France honore cet engagement.
A cet effet, le groupe Les Indépendants salue la restitution du tambour parlant à la Côte d’Ivoire, dont je rappelle la légitimité, la nécessité et l’urgence au regard du retard que nous avons déjà pris. Néanmoins, nous regrettons que cela ne se fasse pas au travers d’une loi-cadre.
En effet, afin de procéder à cette restitution, le présent texte prévoit une dérogation à l’article L. 451-5 du code du patrimoine, qui consacre le principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises. Cette méthode, si elle se justifie pleinement par le contexte, présente des écueils.
Si nous continuons de procéder à des restitutions via des dérogations au principe d’inaliénabilité, alors nous réduisons la portée juridique de ce principe pourtant essentiel. Ce principe tire ses racines de l’Ancien régime. Il a été consacré par la Cour d’Appel de Paris en 1846, la Cour de Cassation en 1896, le Conseil d’État en 1932 et, pour les collections des musées publics, par la loi du 4 janvier 2002. Ce principe protège notre patrimoine : il ne doit pas être traité avec légèreté.
Or, à l’automne 2018, les collections publiques françaises comptaient au moins 88 000 objets provenant d’Afrique subsaharienne. Parmi eux, certains devront être restitués à leur pays d’origine, c’est un fait. Ferons-nous des lois de dérogations à chaque fois ?
Cette méthode n’est souhaitable ni pour les peuples africains, ni pour nous : nous avons besoin d’une loi-cadre. La question de la restitution des biens culturels aux pays africains est posée depuis plusieurs décennies.
En 1982 déjà, le Ministère des Relations extérieurs français chargeait Pierre Quoniam de former un groupe de travail à cet effet. Un nouveau rapport, paru en novembre 2018 et réalisé par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, dresse un constat exhaustif et sans appel sur ces enjeux. La société civile s’est aussi emparée, à juste titre, de cette problématique, qui appelle une réponse à la hauteur.
En définitive, le Groupe Les Indépendants apporte tout son soutien à cette proposition de loi et salue le travail mené par nos collègues. Il insiste néanmoins sur la nécessité qu’une vraie loi-cadre sur ces enjeux soit adoptée à terme.
Je vous remercie.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.








