3 décembre 2024
Projet de loi de finances pour 2025 - Dossier législatif
Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur Général de la Commission des Finances,
Mesdames les Rapporteures de la Commission des Lois,
Mes chers Collègues,
C'était en 2023, en octobre, le Sénat adoptait les conclusions de la Commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027.
Les objectifs étaient ambitieux : réformer certains champs de la Justice pour la rendre plus rapide, plus claire, plus moderne. Les moyens l'étaient également. Entre 2023 et 2027, le budget du ministère devait augmenter de 21 %.
C'était en octobre 2023. Nous avions l'espoir que ce grand service public de la Justice serait restauré après des années de disette, quel que soit le gouvernement.
Un an plus tard, à l'aune des contraintes financières qui encadrent les débats sur le projet de loi de finances de notre pays, cette dynamique est interrompue, malheureusement.
Si les crédits sont maintenus par rapport à l'an dernier, 10,2 milliards d'euros au lieu de 10,1 milliards en 2024, ils sont néanmoins en deçà des 10,7 milliards d'euros prévus par la loi de programmation.
Nous saluons l'inflexion du Gouvernement qui nous rapproche de l'exécution budgétaire initiale, mais nous ne pouvons pas accepter que la trajectoire ne soit pas respectée, au détriment de la Justice.
Tronqué de 276 millions d'euros au travers des amendements 626 et 900, les présents engagements font du budget de la Justice la plus maltraitée des lois de programmation.
Le Groupe Les Indépendants a toujours défendu la réduction de la dépense publique, mais pas n'importe laquelle. Seul l'État étant en mesure d'exercer des missions régaliennes qui sont au fondement du fonctionnement de notre société et des demandes de nos concitoyens.
Ce budget n'est pas le budget de la reconstruction et de la projection qu'attendent les acteurs du monde judiciaire. La justice, la police, les armées ou encore l'enseignement supérieur et la recherche ne peuvent en aucun cas pâtir des difficultés budgétaires que notre pays rencontre actuellement.
Comment allons-nous expliquer à nos concitoyens que la Justice sur laquelle ils comptent pour faire valoir leurs droits va encore devoir attendre ?
Le rapport de la Commission des Finances souligne que la Justice française dispose du plus faible budget par habitant en pourcentage de PIB parmi l'ensemble des pays comparables. Tout le monde l'a rappelé ici ce soir.
Le retard est structurel. Combien de temps accepterons-nous encore d'avoir une Justice sous-dotée ? Alors que des marges financières existent, on le sait, au sein des autorités administratives indépendantes, par exemple, ou des opérateurs de l'État, par exemple.
Ce n'est pas notre collègue Nathalie Goulet qui me contredira. Leurs budgets restent stables ou sont en hausse, comme le démontre le rapport sur le programme budgétaire "Protection des droits et libertés" de la Députée Marie-Christine Dalloz, qui analyse la trajectoire financière de cinq de ces autorités, dont notamment la CNIL et l'ARCOM.
En 2025, leurs dotations vont augmenter, en discordance avec les efforts demandés aux administrations publiques. Il y a moyen de trouver auprès des autorités administratives indépendantes des marges bien supérieures aux 276 millions d'euros qui manqueront à la Justice.
Nous avons besoin de davantage de juges, ça a été rappelé ce soir, de davantage de greffiers, de davantage de personnel judiciaire. Le PLF compte préserver ces recrutements et nous nous en félicitons.
Mais il faut donner à la Justice les moyens de poursuivre une modernisation qui vient à peine de commencer. Les solutions informatiques dont dispose le ministère sont pour le moins insuffisantes. La restauration de la Justice doit demeurer l'un des chantiers prioritaires des prochaines années.
Nos concitoyens attendent ceci. C'est une demande forte et légitime. Or, la demande de nos concitoyens dans une démocratie doit constituer le premier critère de priorisation de la dépense publique.
Ce n'est qu'en dernier recours, après avoir restreint ou cessé son action de réduction dans des secteurs non régaliens, que l'État doit envisager de faire des économies sur les secteurs régaliens et notamment la Justice.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un budget qui ne respecterait pas la loi de programmation. Pour toutes ces raisons, le Groupe Les Indépendants s'abstiendra sur cette mission budgétaire.