Marie-Claude Lermytte - Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
- Les Indépendants
- 13 nov.
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13 Novembre 2025
Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les rapporteurs et rapporteurs pour avis,
Mes chers Collègues.
Le contrat que l'État passe avec ses citoyens doit être honnête. Si la société m'accorde des droits, j'ai aussi des devoirs envers elle, et réciproquement. Mais parfois les signataires de ce contrat sont, disons-le, malhonnêtes. Certains le sont par ignorance, et la reconnaissance récente du droit à l'erreur est à ce titre un vrai progrès. D'autres, en revanche, fraudent sciemment. Et bien c'est à eux que s'adresse ce projet de loi.
Le Président Georges Pompidou disait « La fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme ». Et c'est vrai. En matière de fraude, il existe encore beaucoup de zones d'ombre. Ce texte a précisément pour ambition de les éclairer, autant sur les chiffres que sur les moyens d'action.
Chaque fraude, sociale ou fiscale, est un coup de canif dans le contrat social qui nous unit. Ce contrat, on pourrait le résumer ainsi : Je reçois, donc je respecte les règles. Notre système repose sur une idée simple, des cotisations et des impôts en échange de protection, de justice et d'un système de santé universel. Mais la fraude, c'est le fait de ceux qui veulent des gains du jeu sans en respecter les règles. Et les conséquences sont lourdes.
Les sommes détournées sont autant d'argent qui ne va pas à la défense, aux services publics, à l'éducation. La fraude sociale représenterait aujourd'hui 13 milliards d'euros par an, contre à peine 850 millions en 2014. Et pour la fraude fiscale, les estimations varient entre 60 et 100 millions d'euros. On dit que parfois la fraude est un sport national.
Selon le Haut Conseil au financement de la protection sociale, 56% des détournements viendraient des professionnels, employeurs, travailleurs indépendants ou auto-entrepreneurs, 34% des assurés sociaux, des individuels et 10% des professionnels de santé. Comment empêcher les fraudes si les administrations ne disposent que d'une partie des informations ? Comment arrêter une fraude dont on ignore l'existence ?
Ce projet de loi vise justement à renforcer les échanges d'informations entre administrations et notamment entre les complémentaires santé et les CPAM. L'extension aux agents des CPAM du droit de communication auprès des banques est une mesure de bon sens. Elle permettra de lutter plus efficacement contre la fraude aux indemnités journalières ou à la complémentaire santé solidaire. Cette possibilité a été étendue en commission aux agents CAF, qui eux aussi sont en première ligne face à la fraude. Nous soutenons pleinement ces mesures et saluons les garanties de protection des données introduites par la Commission avec la consultation de l'ACNIL et des instances professionnelles.
Ce texte introduit aussi des mesures de justice et de cohérence. Désormais, France Travail pourra tenir compte des revenus issus d'activités illicites dans le calcul des allocations de chômage. C'est aussi une mesure de bon sens et de justice, étendue par la Commission à toutes les aides sociales sous condition de ressources. La lutte contre la fraude au compte personnel de formation, CPF, a également été fortement renforcée. Et je veux saluer ici le travail remarquable des rapporteurs, qui ont rendu ce texte plus ambitieux et plus concret.
Mais pour limiter la fraude, il faut aussi des sanctions dissuasives. Ce texte crée une peine spécifique pour l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée, portée à 15 ans de réclusion criminelle et à 1 million d'euros d'amende. De nouvelles amendes administratives contre les centres de formation défaillants, la possibilité de cumuler le déconventionnement d'un professionnel de santé fraudeur avec une pénalité financière, le déremboursement des prescriptions des médecins déconventionnés pour fraude et la suspension du tiers payant pour les assurés fraudeurs. Ces mesures ne pénalisent pas les honnêtes praticiens, elles visent uniquement les fraudeurs.
Sur les 13 millions d'euros estimés de fraude sociale, seuls 3 milliards sont détectés ou redressés et 600 millions effectivement recouvrés. C'est invraisemblable. Renforcer la détection est essentiel, mais cela ne sert à rien si nous ne récupérons pas l'argent détourné. Le texte propose donc plusieurs dispositifs nouveaux pour améliorer le recouvrement des fraudes, qu'il s'agisse des allocations chômage, des cotisations sociales ou des prestations de sécurité sociale.
Mes chers Collègues, la fraude n'a pas seulement des conséquences financières, elle a une dimension morale. Elle mine la confiance de ceux qui respectent les règles, de ceux qui paient leurs impôts et qui finissent par douter de la justice du système. Car personne n'aime les tricheurs.
Toutefois, méfions-nous des excès de zèle. Dans la presse ce matin, un article révélait les abus parfois de l'administration, notamment en matière de saisie administrative à tiers détenteur, où la somme ponctionnée sur le compte d'un contribuable pouvait parfois être disproportionnée au regard de la somme exigée, mettant du coup la personne visée en difficulté.
Enfin, alors que nous allons adopter ce texte, sachons que les fraudeurs, eux, maîtrisent déjà bien l'intelligence artificielle. Le temps démocratique est lent, le temps technologique fulgurant. Veillons à ce que cette loi, une fois adoptée, ne soit pas déjà dépassée.
Mes chers Collègues, ce projet de loi va dans le bon sens. Il renforce la prévention, la détection, la sanction et le recouvrement. Notre groupe Les Indépendants la soutiendra sans réserve.








