top of page

Marie-Claude Lermytte : Maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales

14 février 2024

Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales - Voir le dossier législatif



Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Chers Collègues,

 

J'ai l'honneur d'être co-auteur avec notre collègue Dany Wattebled de la proposition de loi qui nous anime aujourd'hui. Il ne peut être présent, je le regrette, et lui souhaite un prompt rétablissement. Impossible également de ne pas faire référence à mon prédécesseur Jean-Pierre Decool, également à l'initiative de cette proposition.

 

J'ai pris mes fonctions au renouvellement d'octobre dernier, je veux donc assurer mon Groupe de ma reconnaissance pour m'avoir accordé sa confiance dans le cadre de la niche parlementaire.

 

Mes chers Collègues, la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales, examinée aujourd'hui, jouit de deux qualités : le pragmatisme et la simplicité. Elle prévoit de permettre aux communes rurales de moins de 2000 habitants de déroger à la fameuse règle des 20% de manière automatique et pérenne.

 

Je sais, il existe des dérogations accordées au cas par cas par le Préfet de Département, notamment pour la rénovation des monuments protégés, la réparation des dégâts causés par des calamités, pour des opérations concernant le patrimoine non protégé, les ponts et ouvrages d'art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre les incendies, les constructions, reconstructions, extensions et réparations des centres de santé. Ces dérogations sont effectivement possibles si et seulement si le Préfet estime la participation minimale disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage.

 

Vous l'avez constaté dans vos départements, j'en suis certaine, ces dérogations sont rarement accordées, et ce pour plusieurs raisons. De nombreuses communes rurales ne sont pas informées de l'existence de telles dérogations. La complexité administrative, la lourdeur des dossiers à compléter pour demander ces dérogations sont des freins et nombre de communes sont confrontées à des difficultés d'accès à l'ingénierie. Ainsi, les communes se voient contraintes de différer, voire de renoncer au lancement des projets d'équipement. Oui, les Maires des communes concernées se résignent et ne déposent même pas de dossier pour obtenir les subventions. À quoi bon, puisque leurs communes ne peuvent pas apporter les 20% minimaux.

 

Madame la Ministre, vous l'aurez compris, avec le Sénateur Wattebled, nous poursuivons un objectif simple. Il s'agit de rendre cette dérogation automatique et pérenne. Début 2023, le Sénateur Decool avait interpellé votre attention sur cette proposition et vous aviez exprimé deux réserves.

 

La première concernait la responsabilisation des collectivités dans la conduite de leurs projets d'investissement. Effectivement, initialement il était proposé de permettre à ces communes de monter des projets complètement subventionnés. Lors des auditions du Rapporteur, dont je salue le travail et la qualité d'écoute, une belle rencontre pour moi en tout cas, les élus auditionnés ont estimé qu'il importe de conserver une participation minimale afin de responsabiliser les conseils municipaux sur le choix des investissements à réaliser. Aussi, le Rapporteur a-t-il souhaité maintenir un reste à charge de 5%. Initiative que l'on ne peut que soutenir.

 

La seconde réserve évoquée consistait à dire que les attributions de fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée conduisent à limiter le reste à charge en deçà de 20%. Majoritairement, cela n'enlève en rien les 20% restants. Les communes doivent la plupart du temps avancer la trésorerie en recourant à un prêt relais à deux ans. Mais, vous le savez, toutes ne le peuvent pas.

 

Le dispositif que nous proposons au Sénat aujourd'hui, rééquilibré par les travaux en commission, apporte une réponse à ces questionnements. Lors d'une interview en novembre dernier, vous avez dit : « la première chose à faire est de dire aux Maires qu'on les aime. Quand on aime, on donne des preuves. Le Sénat vous propose aujourd'hui d'adopter une disposition simple et pragmatique, fondée sur la confiance en nos élus ruraux, en somme, une preuve d'amour. Ce n'est pas en ce jour de Saint-Valentin que vous pourrez nous dire ou leur dire le contraire.

 

Monsieur le Rapporteur, lors de nos différents échanges, nous nous sommes très vite aperçus d'un point de divergence. En effet, vous proposez de limiter le champ des projets d'investissements, pouvant ouvrir le bénéfice de cette dérogation aux communes rurales, pour cibler les projets les plus structurants. Dany Wattebled et moi pensons qu'il n'est pas de la responsabilité du législateur d'indiquer aux élus ce qui est bien et mérite d'être financé ou ce qui ne l'est pas. Aussi, je le redirai certainement tout à l'heure lors de l'examen du texte, et vous le savez, je voterai contre cet amendement.

 

Vous proposez également d'exclure du bénéfice de cette dérogation les communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2000 habitants. L'objectif de ce texte étant de permettre de soulager les communes les plus fragiles, nous soutenons cette initiative.

 

Mes chers Collègues, nos communes rurales sont à bout de souffle financièrement. À défaut d'une mise à plat du système de financement des collectivités locales que Pierre Moscovici a appelé de ses vœux au Sénat le 12 octobre 2022, il incombe au législateur de permettre l'application pleine et entière du principe constitutionnel de libre administration. Ce texte n'est évidemment pas la panacée, mais il apporterait une réelle différence s'il était adopté. Il est grand temps de laisser aux élus locaux la confiance qu'ils méritent en leur redonnant de véritables moyens d'agir.

 

Mes chers Collègues, j'espère pouvoir compter sur votre soutien. Je vous remercie.

Interventions au Sénat

bottom of page