Pierre-Jean Rochette : Impact environnemental de l'industrie textile
- Les Indépendants
- 10 juin
- 4 min de lecture
10 juin 2025
Proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile - Dossier Législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteure,
Mes chers Collègues,
Pendant des années, on nous a fait une fausse promesse. On a cru qu'en délocalisant, les prix seraient plus bas et qu'ainsi notre pouvoir d'achat augmenterait. Vaste mirage dont nous devons aujourd'hui assumer le service après-vente. Car en voulant faire des économies, faire croire, nous avons créé des dépenses futures.
Oui, en effet, les vêtements de la fast fashion ou mode ultra express ne reflètent pas leurs coûts réels. Ici, au Sénat, nous pouvons voir certains de ces coûts directs à travers la collecte croissante des déchets portés par nos collectivités et donc indirectement, même directement, le contribuable, les délocalisations et les premières fermetures d'enseignes françaises.
Mais nous ne mesurons pas encore les coûts cachés et c'est l'ensemble de notre système qui sera impacté. D'un côté l'environnement et la biodiversité avec une pollution croissante et une concurrence accrue pour l'eau. Un impact écologique que nous aurons à payer tôt ou tard. De l'autre, nos territoires et notre économie qui seront eux durement touchés avec une baisse de compétitivité de nos entreprises, des fermetures d'usines, des suppressions d'emplois.
Cette perte d'activité de nos territoires aura des conséquences en cascade. Pour les sous-traitants, pour les métiers du transport, de la logistique, nous perdrons enfin les savoir-faire de nos régions.
Le coût n'est pas qu'environnemental, il est économique. Nous avons tout à perdre à laisser se développer la mode ultra express. Alors que notre pays et l'Europe cherchent à se réindustrialiser, entendons que notre manière de consommer aujourd'hui conditionne les équilibres de demain.
À ce titre, plusieurs amendements adoptés en séance, dont celui de notre excellente collègue Vanina Paoli-Gagin, ont permis de recentrer le texte en proposant que les références de produits d'une marque soient comptabilisées au titre de la plateforme dès lors que celle-ci constitue le canal de vente principal de cette marque. Ces précisions permettront de mieux centrer la proposition de loi sur les géants chinois en évitant les effets de bord sur nos entreprises françaises et européennes.
Les premiers chiffres sont là et ils nous frappent. La production textile est responsable de 20 % de la pollution mondiale d'eau potable.
La durée moyenne d'usage des produits d'habillement a été divisée par deux depuis 2000. 145 petits colis entrent chaque seconde en Europe, soit près de 17 000 depuis le début de mon allocution. Et près de 800 millions de colis entrent en France, notamment en 2024. C'est la donnée que nous avons, avec plus de 90 % sont d'origine et de provenance de Chine.
L'Union Européenne génère 12,6 millions de tonnes de déchets textiles par an. L'industrie textile a perdu 40 % de ses emplois en 10 ans. En France, elle représente 20 % du déficit global de notre pays.
Notre première réponse à cette prise de conscience, bien que timide, est ce texte. C'est un début, ça a été dit, mais il a au moins le mérite d'exister.
Alors oui, Madame la Ministre, ça a été dit au cours des débats, nous faisons de la politique. Et parfois, il faut savoir aussi envoyer des signaux, des messages. Et cette PPL est un marqueur qui envoie un message positif à nos entreprises françaises et européennes que nous devons soutenir et renforcer.
Mais nous devrons aller beaucoup plus loin. D'un côté, notre manière de consommer évolue, nous sommes déboussolés, on nous invente des besoins par une illusion du manque que l'on nous presse ensuite de satisfaire. Des publicités intempestives, des partenariats commerciaux, des promotions éphémères nous poussent à consommer dans une frénésie d'achats dictés par l'urgence et les réseaux sociaux, dopés par les influenceurs eux-mêmes ambassadeurs de l'éphémère. Et ce, alors même que les vêtements éphémères sont conçus pour ne pas durer, il nous faut alors acheter à nouveau.
Il est dès lors indispensable d'encadrer ces publicités sournoises. Nous ne pouvons poursuivre dans cette voie. Il faut des réponses concrètes et économiques pour freiner l'envoi ininterrompu de ces millions de colis. Des colis qui entrent librement, en échappant à toute tarification, qui ne nous rapportent rien, mais qui nous créent des coûts. Je me réjouis de l'adoption de mon amendement, défendu avec brio par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, une nouvelle fois, visant à taxer les petits colis de moins de 2 kilos.
En effet, nous devons nous engager dans une démarche concrète et je me félicite que cette idée de taxer les petits colis de moins de 2 kg ait été reprise la semaine dernière lors du Conseil des entreprises avec les ministres de l'économie et du budget. Peut-être que cette taxation naîtra dans le prochain PLF, elle est un véritable outil pour lutter contre les importations massives de ces types de produits que nous souhaitons rejeter.
Nous le savons, des dispositifs similaires sont en cours de négociations à Bruxelles et c'est essentiel. Nous sommes dans un marché commun, nous en avons parfaitement conscience, nous ne parviendrons pas seuls en France à protéger à la fois notre planète et nos industries.
Nous attendons donc avec impatience l'avancée de ces négociations au niveau européen et des réponses fortes concernant la révision de la directive sur les déchets et la réforme de l'union douanière.
Notre Groupe soutiendra bien évidemment ce texte, car nous ne pouvons pas laisser nos collectivités seules assumer les coûts directs et indirects de cette mode. Nous en pâtirons tous.
Agissons avant l'overdose de déchets. Agissons aujourd'hui pour notre industrie et nos emplois. Si nous ne faisons rien, ce sont eux qui deviendront éphémères. N'oublions pas que si les économies sont illusoires et qu'elles sont immédiates, le coût réel, lui, est réel et différé.
Merci.