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Pierre MÉDEVIELLE : Débat - Avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie

04 mai 2021


Débat sur l'avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie (demande du Groupe Les Républicains)

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Les enjeux liés à la Nouvelle-Calédonie me sont chers et familiers.


Parce que je m’y suis rendu récemment, comme un certain nombre d’entre vous, surtout parce que mon frère y est installé depuis 30 ans, qu’il a travaillé dans les 3 provinces et qu’il est aujourd’hui responsable de la vaccination Covid pour toute la Province Sud.


Aujourd’hui, je suis inquiet… Très inquiet.


Nous avons vu, quelques semaines après le 2ème référendum du 4 octobre dernier, la Nouvelle-Calédonie s’embraser.


Nous avons assisté aussi à des scènes proches de la guerre civile sur le dossier de rachat de l’usine Vale du Sud.

Heureusement, il n’y a pas eu de victimes et nous le devons, Monsieur le Ministre, à votre responsabilité en termes de maintien de l’ordre et à la volonté politique des acteurs de sortir par le haut de ce dossier brûlant.


Mais je reste, néanmoins, préoccupé par ce qui peut arriver maintenant.


Lors du 2ème référendum du 4 octobre dernier, les bureaux de vote ont été pris d’assaut par des militants indépendantistes, drapeaux identitaires Kanak à la main pour, au mieux influencer, au pire dissuader voire menacer, certains électeurs Loyalistes.

Il est clair, au vu des réactions qu’ils ont eues pendant le conflit de l’usine du Sud, que les Loyalistes ne vont plus subir en silence ces actions hostiles de la part de leurs adversaires.


A quoi tout cela va-t-il nous mener ?


Que se passera-t-il lorsqu’il y aura devant les bureaux de vote, des militants de chaque camp qui considèreront qu’ils jouent leur dernière cartouche ?


Je pense que laisser se tenir un référendum binaire, dans la situation actuelle, tel qu’il est prévu dans l’Accord de Nouméa, alors qu’on sait que la population est divisée en deux, et qu’on connaît le caractère explosif de la Nouvelle-Calédonie, c’est prendre un risque majeur pour l’avenir et figer de façon mortifère les oppositions ethniques, sociales et politiques.


Monsieur le Ministre, certains pourraient être tentés de simplement repousser la date du 3ème référendum au plus tard, c’est-à-dire en septembre 2022, considérant que les prochains gouvernants traiteront ce sujet et que la Nouvelle-Calédonie ne sera pas dans ce cas un risque majeur pour la campagne électorale. Ce serait une erreur.


Si le Gouvernement décidait de maintenir la même question que lors des 2 premières consultations et de fixer la date au plus tard, la campagne présidentielle serait, de fait, instrumentalisée par les 2 camps et le moindre fait divers impliquant une ethnie contre l’autre, serait utilisé pour servir sa cause. C’est un risque que vous ne pouvez pas faire prendre à notre Pays et à la Nouvelle-Calédonie.


Je porte avec certains collègues la conviction qu’une autre voie est possible. Qu’à plusieurs reprises, le pari de l’intelligence a été gagné en Nouvelle-Calédonie :

· En 1988, au moment des accords de Matignon où un accord improbable a été trouvé en quelques jours grâce à la volonté de Michel Rocard ;

· En 98, en quelques semaines, parce que les responsables politiques locaux ont considéré que les plaies n’étaient pas suffisamment refermées pour organiser un nouveau référendum ;

· Plus récemment, en mars de cette année, avec cet accord sur l’usine du Sud, auquel plus personne ne croyait.


Cette voie, elle existe, chacun en Nouvelle-Calédonie le sait, puisque Indépendantistes et Loyalistes savent que l’accord de Nouméa leur impose de « se retrouver pour examiner la situation créée » le lendemain du 3ème référendum.


Pourquoi attendre que les Calédoniens se déchirent une 3ème fois pour rechercher cette solution ?


Il est de la responsabilité du Gouvernement de poser un projet sur la table :

· Un projet qui maintiendra le lien si particulier que la France a construit depuis près de 2 siècles avec la Nouvelle-Calédonie ;

· Un projet qui reconnaîtra l’identité kanak et les autres identités qui cohabitent en Nouvelle-Calédonie ;

· Un projet qui prendra en compte le fait que les divisions de la Nouvelle-Calédonie sont à la fois géographiques, ethniques et politiques.


Les accords de Matignon étaient basés sur un partage du pouvoir entre les 2 légitimités qui vivent en Nouvelle-Calédonie.

Ce partage géographique et politique a donné 2 provinces sur 3 aux Indépendantistes et a permis 10 ans de paix et de développement économique sans précédent.


C’est lorsque l’Accord de Nouméa a tenté de gommer les différences et de centraliser le pouvoir dans un gouvernement collégial que les choses se sont gâtées. 17 gouvernements en 22 ans ! Sans commentaire.

La raison est simple : les différences sont trop fortes pour être fondues dans une seule institution. La solution passera, j’en suis convaincu, par l’acceptation et l’addition des différences.


Mais cette solution, ce n’est pas nous, responsables métropolitains, qui la construiront, ce sont les responsables politiques calédoniens.

Et pour se retrouver, ils ont besoin, cette fois encore, que le Gouvernement prenne l’initiative :

· Qu’il demande aux Indépendantistes ce qu’ils attendent réellement de l’indépendance, et aux Loyalistes ce qu’ils veulent de la France.

· Et qu’il prenne le temps de rapprocher les solutions… avec la conviction qu’il ne peut pas échouer !


« Quand il y a une volonté, il y a toujours un chemin. »


L’avenir d’un petit bout de la France est entre vos mains, Monsieur le Ministre, les Calédoniens comptent sur vous.


Je vous remercie.

Interventions au Sénat

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