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Vanina Paoli-Gagin : Impact environnemental de l'industrie textile

  • Photo du rédacteur: Les Indépendants
    Les Indépendants
  • 2 juin
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 juin

2 juin 2025


Proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile - Dossier législatif



Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Madame la Rapporteure,

Mes chers Collègues,

 

Ce texte nous pose, mes chers Collègues, une question fondamentale. Voulons-nous encore être une nation de producteurs ou bien devenir seulement une nation de consommateurs ? C'est la question essentielle. C'est celle qui déterminera, à mes yeux, la destinée de l'Europe dans ce siècle.

 

Je le pense et le rappelle depuis assez longtemps. Je me réjouis que de grands Européens, au premier rang desquels Mario Draghi et Enrico Letta, le disent aujourd'hui avec force et énergie. Car depuis plusieurs décennies, tous nos choix collectifs nous ont poussés dans une direction. Nous avons renoncé, dans de trop nombreux secteurs, à être un pays de producteurs pour nous contenter d'être un pays de consommateurs.

 

Comme tout choix politique, il est respectable, mais il est nécessaire d'en bien comprendre toutes les implications. Or, pour l'élu de l'Aube que je suis, ces implications sont très claires. Notre territoire, qui a joué l'un des tout premiers rôles à la grande époque de l'industrie textile française, a été frappé de plein fouet par la désindustrialisation.

 

Chez nous, le mythe funeste de la France sans usine, qui a fait les choux gras des élites économiques de la fin du siècle dernier, s'est traduit par des fermetures d'usines, des fermetures d'ateliers, des destructions d'emplois. Je vous parle ici, mes chers Collègues, de choses très concrètes. On estime à plus de 18 000 le nombre d'emplois détruits dans l'Aube dans l'industrie textile. C'est moins 68% d'emplois depuis 1982.

 

C'est colossal, autant de familles bouleversées par le chômage, des villes mais aussi des villages, des bourgs dont l'activité économique perd subitement un poumon et qui inéluctablement s'essouffle. L'Aube comme tant de territoires ruraux en France, anciennement terre d'industrie, a ensuite été précipitée dans une mécanique infernale : perte d'activité, perte d'attractivité, désertification, évaporation des services publics, arrivée du chômage de masse. C'est le début d'un enchaînement de catastrophes sociales qui fait le lit des désolations les plus sombres, des ressentiments les plus tenaces et de tous les populismes.

 

Pourtant, les Français n'ont pas renoncé à s'habiller. Tant s'en faut, ils ont même doublé leur consommation de vêtements, ça a été rappelé, depuis les années 1980. C'est le passage à la consommation de masse. On a fait baisser les prix en consommant des produits étrangers, mais l'effet rebond est immédiat. On consomme deux fois plus et notre balance commerciale se dégrade.

 

Il est essentiel de voir le coût caché de ce système. On ne peut pas prétendre préserver le pouvoir d'achat des Français si on n'explique pas clairement qu'acheter un T-shirt à 2 euros, c'est soutenir les fermetures d'ateliers et la destruction d'emplois en France, c'est soutenir un commerce international débridé, soutenir l'industrie de pays qui non seulement subventionnent massivement un pseudo secteur productif privé qui n'existe pas et qui ne partagent pas nos valeurs, c'est soutenir la création d'emplois dont les conditions sont proches de l'esclavage, cela a été rappelé.

 

Aujourd'hui, notre regard a changé sur les pratiques de cette mode éphémère avec l'arrivée des millions de colis chinois. La submersion ne fait que commencer, c'est une catastrophe économique et écologique. Ce ne sont pas vraiment des vêtements que nous importons, il faut en être conscient. Ce sont, pour la plupart d'entre eux, des déchets, voire pour une part, de cette grande part, des déchets ultimes.

 

La fast fashion n'est ni réparable ni recyclable. Qui en paiera le coût ? La collectivité ou devrais-je dire les collectivités, nos collectivités ? Les élus locaux doivent bien comprendre qu'à chaque enseigne de fast fashion qui ouvre, ce sont des déchets qui arrivent et des commerces qui finiront par fermer.

 

En 40 ans, rappelons-le nous, la malbouffe a inondé notre quotidien. Fast food, soda, plats préparés, plats transformés. Le pays de la gastronomie s'est laissé empoisonner par des produits qui nous pourrissent la santé.

 

Et qui augmentent mécaniquement aussi, volumétriquement, le nombre de déchets à traiter.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne fera pas de nous, du jour au lendemain, un pays de producteurs. A fortiori, si nous en adoptons une version plus amputée de son ambition. Elle ne serait qu'une petite tape sur la joue, histoire de nous remettre dans le match. Mais avons-nous encore envie de jouer le match ? Avons-nous encore l'ambition de redevenir un grand pays industriel ? De tenir tête aux autres pays, au premier rang desquels la République populaire de Chine, qui a fait le choix résolu de l'industrie ? Ou considérons-nous que le match est déjà plié et que nous ne nous jouerons plus ?

 

Pour ma part, je continuerai toujours d'encourager l'industrie. D'abord parce que je crois qu'il n'y a pas de grandes nations sans industrie. Dès 1960, le Général de Gaulle nous avait prévenu : "Il nous faut ou bien accéder au rang d'un grand état industriel ou bien nous résigner au déclin." Ensuite, parce que je suis convaincue qu'il en va de la pérennité de notre modèle social. Le coût complet de la mode éphémère, qui n'est absolument pas reflété dans le prix des produits, est catastrophique pour la nation.

 

Nous ne pouvons nous abriter derrière le seul pouvoir d'achat en ignorant toutes les autres dimensions, notamment territoriales. L'Aube regorge de champions internationaux, de marques iconiques, au premier rang desquelles le coq sportif, Lacoste ou encore Petit Bateau. Certains vont à peu près bien, d'autres sont en difficulté. Tous demeurent des sources d'emploi, de savoir-faire et de qualité. Et surtout, il faut encore vivre.

 

Au niveau local, tout un écosystème industriel de sous-traitants, de tricoteurs, de teinturiers, d'apprêteurs, de petites mains, toute une série de métiers qui font encore partie de notre patrimoine industriel et qui font vivre notre territoire. Soutenons-les chaque fois que nous le pouvons dans toute la France.

 

J'ai cité au début de mon propos deux grands Européens : Mario Draghi et Enrico Letta. Le rapport de Mario Draghi a rappelé que notre décrochage en matière de compétitivité n'est pas qu'une mauvaise nouvelle économique. Il remet en question l'existence même de l'Union européenne. Car l'Union ne peut plus garantir la prospérité des États membres alors qu'elle renonce à sa promesse fondatrice de garantir la paix par la prospérité.

 

Nous proposerons des amendements à cette proposition de loi pour lui redonner son ambition initiale et offrir à nos enfants un autre narratif que les scrolls et les clics.

 

Je vous remercie.

 

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