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Claude MALHURET : Accession de la Finlande et de la Suède à l'OTAN

21 juillet 2022


Projet de loi autorisant la ratification du protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Finlande et la ratification du protocole au Traite de l'Atlantique Nord sur l'accession du Royaume de Suède (voir le dossier législatif)

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Rapporteur Président,

Mes chers Collègues,


L’histoire du XXème siècle fut celle de la lutte à mort entre les démocraties et les totalitarismes. Parfois très près de la perdre, nous l’avons gagnée par deux fois, la première à la chute du mur de l’Atlantique, la deuxième à la chute du mur de Berlin. Nous avions cru cette victoire définitive. Le XXIème siècle nous apprend que nous nous trompions.


Le 24 février 2022 ne marque une rupture que pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris. L’invasion russe n’est qu’un épisode particulièrement sanguinaire du retour de cette lutte mortelle, retour qui a commencé à Grozny et s’est poursuivi en Ossétie, en Abkhazie, en Transnistrie, en Syrie, en Libye, aujourd’hui en Ukraine et en Afrique, demain en mer de Chine. Ne nous y trompons pas : ce n’est pas la Russie qui va changer la donne avec son PIB égal à celui de l’Espagne et malgré ses rodomontades nucléaires. C’est la Chine, bientôt première puissance mondiale, qui scrute attentivement l’issue du conflit en Europe pour fixer sa stratégie face à Taïwan et face au monde démocratique. Les américains le savent au moins depuis Obama, les européens auraient aimé conserver leurs illusions. Ils pensaient, certains par mercantilisme, d’autres par anti-américanisme, d’autres enfin par lâcheté ou par naïveté, que le bourreau leur accorderait encore un instant.


La sale guerre de Poutine, c’est atroce à dire, nous a ouvert les yeux. Victime du piège de Thucydide le tueur du Kremlin est allé trop loin, trop tôt. Il pensait diviser l’Europe, il la cimente. Ridiculiser l’OTAN, il la retrempe. Humilier les Etats-Unis, il ressuscite Biden après le revers de Kaboul. Rallier les dictatures sous sa bannière, la Chine s’inquiète de cette erreur stratégique, la Turquie montre les dents, le Kazakhstan refuse l’envoi de ses soldats.


L’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN est un symbole majeur de nos yeux enfin ouverts, de même que les sanctions enfin efficaces, l’aide militaire conséquente à l’Ukraine et la mobilisation unanime de toutes les démocraties.


La prise de conscience est hélas tardive, c’est toujours le point faible des démocraties. Croire en 2008 après la Géorgie qu’on pouvait continuer à être partenaires de la Russie, renoncer à répondre aux attaques chimiques dans la Ghouta en 2013, se borner à quelques sanctions lors de l’annexion de la Crimée en 2014, était la porte ouverte aux rêves de conquête du petit caïd de Saint-Pétersbourg devenu colonel du KGB, puis dictateur, puis boucher.


Ne recommençons pas ces erreurs. A ceux qui espèrent le lâche soulagement d’une négociation par-dessus la tête des ukrainiens, il faut répondre que c’est aux ukrainiens de décider et qu’ils ont décidé de défendre jusqu’au bout leur liberté et la nôtre. A ceux qui craignent d’humilier Poutine, il faut rappeler que pendant des décennies ce sont les peuples d’Europe de l’Est qui ont été humiliés, occupés, colonisés par l’Union Soviétique. Que c’est l’Ukraine qui est aujourd’hui humiliée, massacrée et détruite. Que toute solution autre que le retour de l’Ukraine dans ses frontières antérieures à 2014 serait sa défaite, celle des démocraties et du droit international. Elle préfigurerait d’autres agressions, d’autres conflits et d’autres défaites. Elle signifierait pour les alliés de l’Occident la certitude d’autres abandons, à Taïwan au Moyen Orient, en Afrique ou ailleurs. Et pour les pays qui hésitent, Elle serait la tentation irrésistible, regardez déjà les votes à l’ONU, de tomber du côté des dictatures. Notre objectif doit être la défaite de Poutine.


Le deuxième point faible des démocraties est celui du long terme face à une guerre qui affecte l’économie, aggrave l’inflation, augmente les dépenses d’énergie. Il faudra tenir quand la mauvaise petite musique de la cinquième colonne des extrémistes de droite et de gauche, poutiniens hier, munichois aujourd’hui, renforcée par tous les trolls, les bots et les trash médias, viendra susurrer que la guerre coûte trop cher, que tout n’est pas noir ou blanc, que ce sont nous les agresseurs, que ce n’est pas notre guerre, alors que bien sûr elle l’est, n’en déplaise à ceux qui, ici ou à l’Assemblée, s’apprêtent, honte à eux, à voter contre ce texte de ratification.


Troisième défi : la guerre a convaincu les européens d’accepter enfin la boussole stratégique proposée par Emmanuel Macron qui jusqu’à présent prêchait dans le désert. Parviendrons-nous à ce réarmement et combien de temps mettrons-nous ? Et comprendrons-nous enfin que c’est un siècle d’affrontement des dictatures et des démocraties qui se rallume, que les dictatures et les totalitarismes, aujourd’hui la Russie, demain la Chine, portent en eux la guerre comme la nuée l’orage ? Et qu’il faut choisir son camp. Prétendre échapper à ce cadre géostratégique ou y occuper une position de neutralité tout en comptant sur le parapluie américain, serait une incompréhension des rapports de force. L’Europe puissance ne se conçoit que dans une alliance toujours plus étroite avec les autres démocraties, alliance qui assure notre sécurité depuis 1945, et dans l’appartenance renforcée à l’institution qui incarne cette alliance depuis 1949 : l’OTAN. Bienvenue à nos frères finlandais et suédois.

Interventions au Sénat

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