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Claude MALHURET : Projet de loi "Climat & Résilience"

14 juin 2021


Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Madame la Ministre,


La loi que vous nous présentez a une méthode, qui nous interroge, un contenu, qui ne mérite ni l’excès d’honneur de ses thuriféraires ni surtout l’excès d’indignité des décibelocrates de la deep ecology qui protestent le samedi dans des cortèges assez maigrelets, et enfin un contexte, la lutte contre le dérèglement climatique que, je l’espère, personne ici ne conteste.

La méthode est celle de la Convention citoyenne. Depuis les gilets jaunes, se multiplient les suggestions d’objets votants non identifiés, sortes d’hybrides entre une pseudo-démocratie directe et un panel pour institut de sondages, tels que le référendum d’initiative populaire ou les conventions citoyennes, qui posent question à la démocratie représentative. Le Parlement aura le dernier mot, nous dit-on. Peut-être, mais sous la pression médiatique d’une convention à la légitimité non définie, aux participants désignés par la providence et dont il a fallu faire, je cite, « une mise à niveau préalable », si bien que les propositions ont en fait dépendu de quelques animateurs chevronnés, choisis, eux, sans tirage au sort. Ces garde-fous ont hélas vite cédé, le plus activiste de ces pygmalions ne cessant désormais de mordre la main qui lui a offert sa soudaine notoriété dans un exercice de dépit amoureux qui a beaucoup moins à voir avec le réchauffement climatique qu’avec son propre échauffement. Nouvelle forme de la démocratie nous dites-vous, je ne suis pas sûr qu’elle soit plus vertueuse que l’ancienne.


J’en viens au contenu de la loi, et sur ce point je serai plus nuancé. Un projet qui met dans la rue les quelques milliers de décroissantistes, collapsologues et zadistes, qui a fait l’objet à l’Assemblée Nationale d’une motion de rejet de la France soumise à Bolivar, un projet conspué par une coalition improvisée des ONG les plus radicales, ne peut être entièrement mauvais.

La Convention citoyenne, elle, à laquelle vous proclamez votre amour, vous a donné une note de 3,3 sur dix. Son animateur échauffé crie partout que vous n’avez repris, horresco referens, que moins d’un tiers de ses propositions. Je veux pour ma part y voir le signe de votre lucidité.


Car cette convention a accouché de trois sortes de mesures : des mesures techniques, parfois déjà entreprises, comme la rénovation des logements, l’économie circulaire, la décarbonation des transports qui vont dans le bon sens. Ensuite des solutions à la française qui proclament des bons sentiments et rendent les lois bavardes, la modification de la Constitution par exemple, qui n’ajoutait rien et préparait des contentieux innombrables. Et enfin, un catalogue de contraintes, fonds de commerce des décroissants.


Vous avez choisi les mesures qui vous paraissaient les plus pertinentes et surtout les moins chimériques. Le Sénat a donc choisi de les étudier de façon sérieuse et constructive en conciliant développement durable et justice sociale, en privilégiant une écologie décentralisée, qui n’aggrave pas les fractures économiques, sociales ou territoriales, mais cherche à les réparer et enfin en tentant de maîtriser l’explosion normative qui s’annonce et qui angoisse déjà chefs d’entreprise, agriculteurs, artisans, commerçants et beaucoup d’élus.


Il me reste à parler du contexte, marqué par l’opposition des partisans de la croissance verte et de ceux de la décroissance. « L’écologie est un champ de bataille » déclarait à l’Assemblée Mathilde Panot, de La France Insoumise. Je suis d’accord avec elle sur ce point, même si nous en tirons des conclusions opposées.


Faire de la décroissance un modèle est inapplicable économiquement et politiquement, et donc voué à l’échec.


Quel sens peut avoir la décroissance pour le milliard d’habitants des Tiers et Quart monde qui vivent avec moins de deux euros par jour ? Quel sens pour les deux autres milliards qui vivent de lopins de terre épuisés, de petits boulots, de travail au noir… ? Quel sens même, chez nous, pour les ménages à petits budgets, mal logés, exposés au chômage, au surendettement, à l’insécurité…,


La décroissance n’est pas que le mot d’ordre des verts, nième avatar de la haine du libéralisme, c’est aussi l’opium des bobos, comme nous l’ont prouvé avec éclat en Une de Monde il y a quelques mois, dans une tribune aussi subversive que du fromage à tartiner, une brochette de stars-kérosène au bilan carbone le plus élevé de la planète, qui n’imaginent pas une seconde se l’appliquer à eux-mêmes et qui, si elle devait être adoptée, ne contribuerait au développement durable que des ronds-points.


Réorienter la croissance vers un mode de vie plus respectueux de la Terre et des hommes c’est l’extraordinaire et passionnant défi de notre génération. Malheureusement la convention n’a pas répondu aux questions essentielles : Comment parvenir à une énergie décarbonée si l’on se prive du nucléaire ? Comment cesser d’entraver les nouvelles techniques de génomique agricole, nécessaires pour résoudre l’impossible équation des pesticides et préserver le climat, alors même que ces techniques ont valu le prix Nobel à une française en 2020 ? Comment faire payer les émissions de carbone à nos frontières, et bien d’autres ?


L’Europe a largement raté la grande révolution du numérique. La prochaine est celle des industries de la transition écologique. C’est là qu’est l’enjeu majeur du plan de relance post Covid. Si nous manquons l’occasion de ces milliards d’euros pour investir dans cette révolution qui s’appelle hydrogène vert, stockage électrique, ciment, acier et engrais zéro carbone, fusion nucléaire, géothermie, nouvelles techniques génomiques agricoles et tous ce que les milliers d’étudiants de 20 ans sont en train d’inventer sans que nous le sachions encore, si nous choisissons de sombrer dans l’écologie du « gentils avec les arbres, méchants avec les hommes », alors nous aurons échoué deux fois, la première parce que nous serons définitivement relégués derrière les Etats-Unis et la Chine, la seconde, bien plus grave, parce qu’il sera trop tard pour répondre à l’urgence climatique. Quand vous avez pris le train dans la mauvaise direction, rien ne sert de courir en sens contraire dans le couloir.


Voici le défi qui vous attend, Madame la Ministre, qui attend tous les Gouvernements à venir, et qui nous attend tous.


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