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Claude MALHURET : Projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire

28 octobre 2021


Projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,


Je suppose que vos boites mail ont été une fois de plus envahies comme la mienne, par les milliers de spams envoyés par les antivax, les antipass et plus généralement par les anti-tout-ce-qui-bouge. Robert Kennedy avait l’habitude de dire : « 20% des gens sont contre tout, tout le temps. » Je voudrais commencer par dire à ces trolls que les campagnes de spams déclenchent chez moi une réaction quasi-réflexe : l’envie de voter dans le sens opposé à ce qu’ils demandent, plutôt qu’ils exigent. Et je ne pense pas être le seul.


La quatrième vague, due au variant delta, trois fois plus contagieux que la souche initiale, régresse depuis deux mois grâce à trois mesures : la vaccination massive, le respect des gestes barrières et le pass sanitaire. La France est aujourd’hui l’un des pays, peut-être le pays au monde, le mieux vacciné, et cela lui permet d’être dans une situation très enviable, même si elle reste fragile. Nous savons désormais que le vaccin réduit de 92% le risque d’hospitalisation chez les plus de 50 ans. Ce chiffre finit de déconsidérer ceux qui, depuis des mois, tentent de discréditer la vaccination.


La vaccination a fait ses preuves, le pass sanitaire aussi. Nous allons donc débattre des modalités de prolongation du pass sanitaire et non du pass lui-même. Il est autorisé jusqu’au 15 novembre, c’est-à-dire dans quinze jours, et la grande majorité de cette assemblée n’a aucunement l’intention de le supprimer pour l’heure. L’épidémie n’est pas finie, elle flambe à nouveau chez nos voisins et tous les scientifiques s’attendent à une recrudescence hivernale. Ne pas prolonger le pass serait une erreur majeure, n’en déplaise à ceux qui défilent au nom des libertés bafouées. La plupart des français le comprennent et l’acceptent. Ils savent que les quelques désagréments du pass sont peu de choses par rapport à un reconfinement si la situation devait s’aggraver. Ils ont bien saisi que le pass n’est pas un outil de contrainte, mais de liberté.


Le Gouvernement demande au Parlement deux choses. La première est de prolonger jusqu’au 31 juillet 2022 l’autorisation que nous lui avons donnée de remettre en place l’état d’urgence sanitaire en cas de nécessité. Cette prolongation n’exempte pas le Gouvernement de demander l’avis du Parlement dans les quatre semaines. Il n’y a donc pas dans ce cas de dessaisissement des prérogatives du Parlement.


La deuxième est celle qui pose problème. Elle permet de prolonger plusieurs mesures, et notamment le pass sanitaire, sans validation par le Parlement avant le 31 juillet. La commission souhaite une clause de revoyure.

Peut-on, sans dessaisir le Parlement de ses prérogatives, donner un blanc-seing de plusieurs mois au Gouvernement ? Il y a des arguments en ce sens. Le premier est la suspension des travaux du Parlement pendant quatre mois à partir du 28 février. Le deuxième est qu’en février l’imminence de l’élection présidentielle risque de transformer en pugilat un débat qui devrait rester technique. Le troisième est que le Conseil d’Etat, juge des libertés, ne voit pas d’objection. Il estime, je cite : « que la prorogation envisagée n’est pas contraire à la protection des libertés fondamentales. » Enfin, le conseil scientifique l’approuve aussi, disant, je cite, qu’il : « perçoit la nécessité opérationnelle de cette durée, compte tenu de la persistance des risques potentiels jusqu’au 31 juillet. »


Ces arguments ont du poids. Mais nous sommes des parlementaires, jaloux à juste titre de nos prérogatives et toujours réticents, lorsqu’il s’agit des libertés, à nous en dessaisir pour de longues périodes.


J’étais donc partagé sur ce sujet. Je ne le suis plus depuis que j’ai pris connaissance du texte issu de la Commission, qui ne me paraît pas satisfaisant. D’abord il est devenu illisible – je ne suis pas le premier à le dire. Il y avait deux régimes, celui de l’état d’urgence sanitaire et celui de la sortie de crise. Il y aura désormais ces deux-là jusqu’au 15 novembre et deux nouveaux ensuite, qui ne portent pas de nom, et qui comportent des mesures voisines mais non identiques, sans que les raisons en apparaissent clairement. Il y aura aussi une territorialisation du pass sanitaire sur des critères rigides et discutables, qui rendra son application différente d’un département à l’autre. Ce sera une usine à gaz. Enfin la date du 28 février me paraît inopportune. Le déchaînement de passions aujourd’hui sur ce débat, à l’Assemblée, sur les réseaux sociaux et dans la rue, comme hier et aujourd’hui encore en face du Sénat, avec une sono de 15000 watts par ceux qui se prennent pour la France Libre, ne laisse hélas que trop prévoir en février, à un mois de l’élection présidentielle, que nous discuterons de tout sauf des mesures contre l’épidémie. Enfin nous avons besoin d’une réponse rapide en cas de nouvelle flambée. En juin dernier, c’est l’intervention immédiate du Président de la République, décidant du pass sanitaire devant l’explosion de l’épidémie, qui a permis l’adhésion de tous les français à la vaccination. En cas d’un nouveau rebond et de la nécessité de généraliser dans l’urgence la troisième dose ou d’autres mesures, est-ce que nous allons attendre de réunir l’Assemblée Nationale puis le Sénat qui auront alors suspendu les travaux ? Chez la plupart de nos voisins les mesures de lutte contre l’épidémie ont été prises par simples décrets. En France – Philippe Bas l’a rappelé – c’est la onzième fois que le Gouvernement revient demander l’autorisation au Parlement. Permettez-moi de penser dans ces conditions que les accusations offusquées d’atteinte aux libertés me paraissent largement surjouées. Nous ne les partageons donc pas.

Interventions au Sénat

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