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Colette MÉLOT : Envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA

15 avril 2021


Proposition de résolution invitant le Gouvernement envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA (Ordre du jour réservé au Groupe CRCE)

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers Collègues,


Bien-sûr que le Sénat doit étudier le Projet de loi de ratification du CETA qui lui a été transmis le 23 juillet 2019. En plus d’être une nécessité constitutionnelle, c’est indissociable de notre démocratie parlementaire. Le bicamérisme dans notre pays traduit la chance qui est donnée à l’équilibre, à la précision et à la qualité des débats. C’est notre système, il doit être respecté.


La discussion de ce projet de loi au Sénat sera un moment décisif pour la France et pour l’Union européenne. L’enjeu est de taille dans un processus où l’assentiment des 27 pays de l’Union européenne est nécessaire pour l’application complète de l’accord. Rappelons-nous le « véto » de la Wallonie en 2016 et le vote, cet été, du Parlement chypriote.


C’est un moment décisif pour notre partenaire Canadien. Conclure un accord de commerce avec cet allié historique fut un projet dessiné ensemble et négocié pendant sept années.


Nous partageons l’objectif de cette PPR en ce qu’elle propose que le Sénat puisse étudier ce texte. Ce que nous partageons moins, en revanche, sont les arguments qui nous poussent à cette même conclusion.


Sur la forme, le retard pris dans le processus de ratification en France est dû à différentes situations, qui ne sont pas toutes du fait du Gouvernement. La principale, qui malheureusement est encore notre quotidien : la pandémie mondiale de Covid-19. Cette crise a bouleversé le calendrier parlementaire et les priorités législatives. On ne peut pas dire le contraire.


Sur le fond, nous sommes en présence d’un accord dit « nouvelle génération ». L’une des particularités de cet accord comprend sa forme mixte. Ainsi, il se trouve qu’il est applicable à 90%. Mais, rappelons que cela concerne uniquement les sujets sur lesquels l’Union européenne a une compétence exclusive.


A l’affirmation que ces négociations seraient anti-démocratiques, revenons sur certains faits. Le mandat de négociation de la Commission européenne a été adopté par les États membres. Certaines parties ont été rendues publiques. L’accord a ensuite été signé en 2016, entre autres par le président du Conseil européen, Conseil constitué des chefs d’État et de gouvernement des État membres élus. Le chef de l’État français d’alors ne s’y est pas opposé expliquant que les conditions posées par la France avaient été respectées. Le CETA a ensuite été ratifié par le Parlement européen, élu au suffrage universel direct.


Nous sommes conscients que la stratégie commerciale de l’Union Européenne est largement perfectible. Après les négociations compliquées avec le Royaume-Uni, la Commission européenne propose de revoir cette stratégie. Des axes cruciaux ont été dégagés. Deux ont particulièrement retenu notre attention : la lutte contre la concurrence déloyale et le respect des accords de Paris sur le climat au sein des futurs accords internationaux. Nous ne pouvons que souscrire à ces deux demandes émanant des européens eux-mêmes. Les valeurs et les intérêts des peuples européens doivent être préservés et défendus.


Des craintes concernant le CETA s’expriment. Il faudra des clarifications et des assurances. Surtout, nous devrons rester vigilants dans la mise en œuvre de cet accord et ne pas faiblir. Nos règles sont différentes dans certains secteurs, notamment en matières alimentaire et agricole. L’harmonisation des normes n’est pas prévue pour aller vers le bas et elle ne le doit pas !


Il est crucial que les règles européennes soient protégées tout comme nos consommateurs. Pour l’heure, le rapport de l’inspection générale des finances de 2018, qui est cité dans l’exposé des motifs de cette PPR, révèle que ne respectant pas les normes, la viande bovine canadienne n’est presque pas exportée vers l’UE. Les quotas ne sont quasiment pas déployés. En revanche, l’UE compte une hausse d’exportation sur de nombreux produits comme le fromage, dont la France est l’un des principaux producteurs. D’après l’Eurostat, le volume d’exportation de l’UE vers le Canada a fait un bond de 7%.


Le risque réel, que nous ne pouvons pas ignorer repose sur le règlement des différends entre autorités publiques et investisseurs. La Commission européenne a travaillé sur ce mécanisme afin de réduire la possibilité de problèmes futurs. La Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 30 avril 2019 qualifie cet outil de « compatible avec le droit de l'UE ». Nous devons rester vigilants. Il serait inadmissible qu’une multinationale s’attaque aux règles européennes ou d’un État membre, simplement parce que cela entrave son commerce.


Enfin, je terminerai par là. Le 25 mars dernier, le comité conjoint de l'accord commercial UE/Canada a rendu des conclusions sur le volet économique. Le CETA aurait des effets positifs dans la pandémie que nous traversons.


Pour le moment, il semble que l’accord apporte plus de points positifs à l’UE qu’au Canada. Mais, l’application n’est qu’à son début. Nous entendons les craintes et en partageons certaines. C’est pourquoi le Groupe Les Indépendants se tient prêt à avoir, au moment voulu, un débat constructif et pertinent sur le Projet de loi de ratification du CETA. Mais avant cela, peut-être que nos forces devraient se concentrer sur la gestion de la pandémie et la préparation de notre sortie de crise. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

Interventions au Sénat

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