14 octobre 2021
Proposition de loi visant au gel des matchs de football le 5 mai
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission de la culture,
Mes Chers Collègues,
La chronologie des palmarès sportifs fait souvent apparaître, en creux, les événements tragiques qui marquent l’Histoire. Le football en est certainement le meilleur exemple.
Ainsi, la liste des vainqueurs de la Coupe du Monde s’interrompt en 1938 et ne reprend qu’en 1950. Et pour cause : entre ces deux dates, la Seconde Guerre mondiale a rendu impossible l’organisation des compétitions internationales.
Plus récemment, l’Italie a remporté l’Euro 2020 le 11 juillet 2021. Cette bizarrerie de calendrier témoigne du chaos provoqué par la pandémie de 2020, bouleversant tous les aspects de nos vies, jusqu’au football de très haut niveau.
En 1992, c’est le palmarès de la Coupe de France qui ne donne aucun vainqueur. Ce vide révèle en silence un drame. La compétition s’est arrêtée aux demi-finales, le 5 mai.
Ce 5 mai 1992, avant même que ne commence la rencontre entre le SC Bastia et l’Olympique de Marseille, une tribune du stade de Furiani s’effondre et l’effroyable se produit. Encore aujourd’hui, les images sidèrent, et on mesure facilement toute l’horreur de ce drame.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait directement référence à cet événement tragique. Elle nous force donc à un exercice délicat de commémoration.
Au nom du Groupe Les Indépendants, je tiens donc à saluer la mémoire des 19 victimes du drame, ainsi que leur famille et leurs proches, pour qui cette date du 5 mai ravive chaque année la douleur du deuil.
Je n’oublie pas non plus les quelque 2 300 blessés, qui sont restés traumatisés. Nous le savons tous : par son ampleur, le drame de Furiani a marqué toutes les familles Corse.
Mais ce drame ne concerne pas que la Corse. D’abord parce que tout ce qui concerne la Corse, concerne la France.
Ensuite parce que ce drame s’est produit en marge de la plus belle compétition nationale, la Coupe de France. Les Français y sont profondément attachés. Comme je l’ai dit en préambule, l’édition 1992 de la Coupe n’a pas eu de vainqueur.
Dès lors, un collectif s’est constitué pour commémorer ce drame et respecter la mémoire des victimes. Comme le Rapporteur l’a rappelé en Commission, c’est au début des années 2010 que les premières demandes ont commencé à se faire entendre.
La Fédération Française de Football a alors pris l’initiative de constituer un groupe de travail associant l'ensemble des acteurs.
Ces travaux ont eu le mérite de mettre tout le monde autour de la table afin de trouver une solution satisfaisante pour tous. Plusieurs propositions en sont ressorties : gel des matchs les samedis 5 mai ; gel des matchs en Corse tous les 5 mai ; pas de finale de la Coupe de France un 5 mai.
Aucune de ces propositions n’a trouvé grâce aux yeux du collectif. D’où le texte que nous examinons aujourd’hui, qui veut imposer, par la loi, les revendications du Collectif contre l’avis des professionnels du secteur.
Je l’ai dit d’emblée : cette proposition de loi nous force à un exercice délicat de commémoration. Mais il demeure un texte de loi. Aussi, l’exercice de commémoration ne peut nous exempter de notre travail de législateur.
Tout le monde ici sait que la catastrophe de Furiani est un drame national.
Il s’agit plutôt de savoir si ce drame justifie que l’on contraigne la pratique sportive. Pourquoi interdire de jouer au football le 5 mai ? Peut-on remplir autrement le devoir de mémoire ?
Devons-nous ainsi interdire tous les matches de Coupe d’Europe les 6 février, en commémoration du crash aérien de
Munich, le 6 février 1958, au cours duquel la moitié de l’équipe de Manchester United a trouvé la mort ?
Devons-nous interdire tous les matches de Coupe d’Europe les 29 mai, en commémoration du drame du Heysel, survenu le 29 mai 1985 ? 39 personnes avaient trouvé la mort dans l’effondrement d’une tribune.
Nous devons poser ces questions sans céder aux sirènes de la culpabilité. La pratique du football ne fera jamais insulte à la mémoire des supporteurs. Le joueur de foot que je suis, sait très bien que ce sport place le respect au centre du jeu.
Je me range donc du côté de la Fédération Française de Football et de la Ligue nationale Professionnelle, qui considèrent qu’on commémorera mieux le drame de Furiani en jouant au football, plutôt qu’en empêchant le sport.
Par contre, je soutiens le principe d’une minute de silence, moment fort de recueillement en début de match. En supprimant la date du 5 mai des compétitions, on pourrait oublier l’événement ; en marquant une minute de silence, on le commémore. Notre Groupe votera majoritairement contre ce texte.