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Jean-Pierre DECOOL : Débat - La réforme en cours de l'éducation prioritaire

02 mars 2021


Débat sur le thème "La réforme en cours de l'éducation prioritaire" (demande du Groupe CRCE)

Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Mes chers Collègues,


L’éducation prioritaire a été initiée par Alain Savary en 1981, comme un dispositif temporaire de discrimination positive visant à compenser les inégalités sociales en matière scolaire en renforçant les moyens de l’éducation nationale en direction des élèves des quartiers défavorisés. L’objectif initial était de limiter à 10% les écarts de niveaux constatés entre les établissements des quartiers et les autres établissements. Force est de constater que 40 ans plus tard, ces écarts de niveaux demeurent élevés avec 20 à 35% de différence entre établissements.


En 2017, le réseau de l’éducation prioritaire couvrait 1 000 collèges, dont 356 en REP+ et 7 000 écoles dont 2 500 en REP+ pour un coût de 1,6 milliards d’euros. Les principaux critères pris en compte sont le taux d’élèves boursiers, le type de quartier, les catégories socio-professionnelles et le nombre d’élèves ayant redoublé au moins une classe pour les collèges.


Cependant, les moyens déployés manquent souvent leur cible, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2018. Cette politique ne couvre que 30% des élèves défavorisés et les effets de bord sont importants : de nombreux établissements en difficulté sont écartés du dispositif. Une école placée, en plein cœur d’un quartier prioritaire, peut être exclue du réseau si le collège rattaché à cette école n’en fait pas partie.


D’autre part, les effets pervers constatés par l’étude menée en 2016 par le Centre national d'étude des systèmes scolaires ne sont pas négligeables : l’éducation prioritaire semble associée à la dégradation du niveau des élèves, en raison de la stigmatisation des établissements concernés. Cette stigmatisation s’opère de deux façons : d’une part, les parents des élèves les plus aisés évitent de scolariser leurs enfants dans ces établissements, d’autre part les enseignants les plus expérimentés et les enseignants titulaires sont moins nombreux dans ces établissements, présentant par ailleurs des taux d’arrêt maladie et de mutation élevés. La conjonction de ces deux facteurs, concentration d’élèves en difficultés à la fois sociale et scolaire, et d’enseignants peu expérimentés, annule les effets positifs escomptés de ce dispositif.


Le renouvellement de la politique d’éducation prioritaire depuis 2017 et la réforme en cours visent à remédier à ces problèmes.


Parmi les récentes réformes figure le dédoublement des classes de CP, CE1 et de grande section de maternelle. Le Gouvernement a fait ce choix, plutôt que celui du dispositif « maître + », plus flexible, visant à renforcer ponctuellement l’encadrement de la classe avec un enseignant supplémentaire ou un assistant. Pourtant, les deux dispositifs semblent complémentaires. Des assistants pourraient être déployés dans certaines classes en difficultés pour seconder l’enseignant et améliorer l’accompagnement des élèves. La revalorisation des salaires des enseignants et le renforcement des effectifs du personnel non enseignant sont également des facteurs indispensables à la réussite du dispositif.


La mise en place des classes coopératives donne de bons résultats pour favoriser l’apprentissage du vivre ensemble et régler les problèmes de vie scolaire. De la même façon, le dispositif « devoirs faits » déployé depuis 2017 dans les collèges du réseau est très demandé.


Le Gouvernement a annoncé en novembre dernier la mise en place de contrats locaux d’accompagnement dans les académies de Lille, Nantes et Aix-Marseille. A partir de septembre 2021, cette expérimentation permettra à certaines écoles, certains collèges et lycées, hors réseaux, de bénéficier, au cas par cas, de moyens supplémentaires pour améliorer l’accompagnement des élèves. Certains établissements implantés en milieu rural pourront bénéficier de ce dispositif. Si les résultats sont prometteurs, la généralisation de ce dispositif permettrait aux 500 écoles dites orphelines, présentant tous les critères d’une école de REP mais rattachée à un collège hors réseau, d’en bénéficier également.


Nous considérons qu’une réforme globale du fonctionnement de l’éducation prioritaire est souhaitable, si ce n’est indispensable, au regard de l’insuffisance des résultats du dispositif actuel. Nous devons aller vers un maillage plus souple, plus réactif des écoles et des collèges du réseau ainsi que vers une dissociation des écoles et des collèges. Aussi, nous accueillons favorablement l’expérimentation des contrats locaux d’accompagnement.


Permettez-moi de faire référence au Commandant Antoine de Saint-Exupéry. En conclusion de son ouvrage « Terre des hommes », il s’interroge sur l’avenir du jeune enfant né dans la misère et qu’il voit face à lui, dans un wagon en troisième classe, en partance pour la Russie : « Ce qui me tourmente (…) C'est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné ». L’essentiel est de concentrer nos efforts dès le plus jeune âge, afin d’offrir à chaque enfant, quelle que soit son origine, l’accès à la lecture, à l’écriture et à une maitrise suffisante du français. Ces prérequis sont le sésame qui conditionnera ensuite l’accès à tous les autres apprentissages.

Interventions au Sénat

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