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Pierre MÉDEVIELLE : Réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique d'État

06 octobre 2021


Proposition de loi tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n°2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique d'État

Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Mes chers Collègues,


La proposition de loi que nous examinons aborde deux sujets importants. Malheureusement, elle apporte une réponse incompréhensible.


Le premier sujet concerne les ordonnances. Depuis des décennies, sous ce Gouvernement comme sous les précédents, beaucoup ne sont pas ratifiées. Et elles le sont de moins en moins.


Une fois l’habilitation votée, le Parlement perd la maîtrise des dispositions, qui sont décidées par l’Exécutif. Le défaut de ratification n’entraîne pas, en l’état de la jurisprudence constitutionnelle, la caducité de l’ordonnance. Le seul dépôt du projet de loi de ratification suffit à la validité.


Cet état de fait incite évidemment le Gouvernement à se passer de l’avis du Parlement sur un certain nombre de textes.


Cette méthode est condamnable parce qu’elle constitue un contournement de l’esprit de la procédure d’habilitation à légiférer par ordonnance. Alors que l’article 38 de la Constitution dispose qu’une ordonnance ne peut être ratifiée que de manière expresse, la pratique se dispense d’une telle ratification. Cet entre-deux n’est pas satisfaisant et cette PPL a le mérite de poser le problème.


Le deuxième sujet abordé par ce texte est celui du fond de cette réforme.


Il y a longtemps qu’elle était souhaitée et envisagée par la droite et le centre. Les nécessités d’ouvrir la haute fonction publique, d’ancrer les carrières dans les territoires, de réformer l’ENA, de lutter contre le déterminisme ne datent pas en effet d’hier.


En 2008, le Président Sarkozy jugeait déjà « très choquant » que « le résultat d'un concours passé à 25 ans oriente toute une vie professionnelle ». Il a tenté à plusieurs reprises de supprimer le classement de sortie de l’ENA sans y parvenir.


Aujourd’hui, le Gouvernement réalise la réforme que la droite et le centre appelaient de leurs vœux.


Les fonctionnaires issus du futur Institut national du service public devront tous se confronter à la réalité du terrain en occupant des fonctions opérationnelles. Cette expérience est indispensable pour pouvoir conseiller ou juger les politiques menées par l’État.


La mobilité est également incontournable pour connaître les postes de celles et ceux que l’on sera amené à encadrer. Enfin, il est sain que les carrières de hauts fonctionnaires évoluent en fonction des résultats de l’évaluation de leur action.


Cette réforme n’est peut-être pas parfaite, peut-être ne va-t-elle pas assez loin, mais elle va bien plus loin que quiconque ne l’a fait depuis 1945. Et dans leur démarche contre la réforme proposée et pour la procédure de ratification, les auteurs de cette PPL se sont tirés une balle dans chaque pied, et une troisième on ne sait où, puisqu’il n’y a que deux pieds.


Première balle dans le pied : Le Parlement peut toujours modifier les dispositions d’une ordonnance à l’expiration du délai d’habilitation. Pourquoi ne pas avoir amendé le texte de l’ordonnance et voté sur un texte amélioré par le Sénat plutôt que de voter contre le propre texte que l’on dépose. Évidemment, il aurait fallu que les quatre groupes soient d’accord sur la réforme et amendements à proposer, ce qui semble bien plus compliqué que de censurer le texte du Gouvernement.


Deuxième balle dans le pied : qui, parmi nos concitoyens, va comprendre le dépôt d’une proposition de loi de ratification dans le but de rejeter cette même proposition de loi ? Cette démarche est inédite. Elle figurera peut-être un jour dans un recueil des moments savoureux du Sénat.


Troisième balle qui a certainement joint l’une des deux autres : Le texte de ratification amendant l’ordonnance aurait pu continuer son cheminement parlementaire en portant les modifications du Sénat. Mais en votant contre son adoption, notre chambre enterre cette possibilité au moment même où elle la rend possible. Mais si, comprenne qui pourra !


Notre Groupe soutient les ambitions de la réforme de la haute fonction publique proposée par cette ordonnance. C’est d’ailleurs aussi le cas des deux groupes de droite qui présentent cette PPL, puisqu’en habilitant le Gouvernement à prendre cette ordonnance, ils montraient bien qu’ils allaient dans le sens de cette réforme.


Parce qu’il s’agit d’une réforme longtemps attendue, nous allons rester logiques avec nous-mêmes. En remerciant les auteurs de la PPL de nous en donner l’occasion, mais contrairement à leurs recommandations, notre Groupe votera en faveur de cette PPL ; en regrettant hélas qu’elle soit mort-née.

Interventions au Sénat

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