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Claude MALHURET : Projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire

27 janvier 2021


Projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire


Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers collègues,


Le 17 décembre dernier au moment où la France était soi-disant peuplée d’anti-vaccins, je déclarais ici-même devant vous : « Ce qu’il faut craindre ce n’est pas que les gens refusent la vaccination et que les doses restent dans les congélateurs, mais que nous ayons du mal à répondre à la demande. » Face au rouleau compresseur des réseaux sociaux des médias qui avaient fait des antivax le sujet du moment, cette analyse, hélas, n’a pas convaincu à l’époque. Voltaire disait qu’il est dangereux d’avoir raison quand le roi a tort, aujourd’hui il est inutile d’avoir raison quand Twitter a tort.


Il était pourtant facile de s’apercevoir de l’ineptie des sondages qui ne distinguaient pas entre les anti-vaccins et ceux qui attendaient de mieux connaître un vaccin nouveau. Facile de constater que 2,5% des français seulement sont opposés aux vaccinations pour leurs enfants. Et enfin, qu’alors qu’on avait commandé une fois et demie plus de vaccins anti-grippe que l’an dernier, en octobre les stocks ont été dévalisés en dix jours. Quel journal a-t-il alors titré : Ruée sur les vaccins ? Aucun. Les français n’étaient pas anti-vaccins, ils attendaient seulement quelques précautions avant de conseiller à leur grand-mère de se faire vacciner. Mais ça, ça ne fait pas le buzz.


Dans notre monde hystérisé, les critiques mutent aussi vite que les virus. C’est désormais la lenteur de la vaccination qui est dénoncée, souvent par ceux-là même qui reprochaient qu’on ne prenne pas assez de précautions face aux anti-vaccins. C’est tellement agréable de mettre un bâton dans les roues de la charrette pour mieux se plaindre qu’elle n’avance pas. Après un démarrage laborieux, les lenteurs de la vaccination n’ont aujourd’hui qu’une cause principae dans tous les pays ou presque : les difficultés de production des laboratoires. Il faut le répéter aux professionnels de l’indignation : personne, ni l’Europe, ni le Gouvernement, ni les élus locaux, ni les soignants, n’en porte la responsabilité. Il faut aussi répéter aux professionnels du pessimisme que ce qui est stupéfiant ce n’est pas la difficulté des campagnes de vaccination, c’est le miracle de disposer d’un vaccin en moins d’un an. La critique est nécessaire à la démocratie, mais j’avoue que j’ai du mal à hurler avec les loups. Et j’ai encore plus de mal à hurler avec les ânes. Car nous sommes tous des ânes face à ce virus. Nous ne connaissons toujours presque rien de lui. Chaque certitude, chaque annonce, il les dément tôt ou tard.


Un exemple : la France s’est sentie humiliée pendant des mois en 2020 par les comparaisons avec l’Allemagne. Aujourd’hui les allemands ont 1000 morts par jour et nous 300, l’Europe centrale et balkanique, presqu’épargnée au printemps est aujourd’hui la plus frappée. Il y a donc, dans l’extension de l’épidémie, des déterminants qui vont bien au-delà de l’application des mesures de protection, et que nous ne comprenons pas. Pas plus que nous ne pouvons prévoir les mutations ni la date et le lieu de leur apparition. Face à tant de difficultés et d’incertitudes il semble au médecin que je suis que le premier impératif pour les politiques c’est de faire face ensemble, ou tout au moins avec un minimum d’unité nationale.


C’est le cas, et je m’en réjouis, quant à la loi qui nous réunit ce jour, qui sera très largement votée et dont le seul désaccord porte sur 25 jours dans la durée de la prorogation, obstacle qui ne devrait pas être insurmontable.


Je m’en réjouis pour deux raisons. D’abord parce que tout le monde, dans notre assemblée, a bien compris, à une ou deux exceptions près je viens de le réaliser, que ne pas voter cette prorogation reviendrait à poignarder l’exécutif dans le dos en plein milieu de la bataille. Ensuite parce que la préoccupation actuelle des français est ailleurs : comment se protéger du virus, comment affronter la crise économique à venir, comment pour chacun surmonter les difficultés passées, présentes et futures et la profonde lassitude qui, peu à peu, étreint nos concitoyens. Cet accord sur la prorogation ne doit pas signifier, bien sûr, que le Parlement soit privé des débats nécessaires avec le Gouvernement si ce dernier envisageait des modifications substantielles de l’état d’urgence ou si intervenaient des développements imprévus de l’épidémie.


Cette hypothèse n’est en effet pas exclue. Le professeur Lévy, dans le Journal du dimanche, le professeur Delfraissy dans son interview télévisée, ont tous les deux délivrés un message essentiel : ne croyons pas que, comme dans les contes de fées, le bon vaccin nous délivrera du méchant virus à l’été. Tous les français ne seront pas vaccinés à cette date et lorsque tous le seront le virus continuera d’être menaçant par ses mutations. Nous vivrons longtemps avec lui. Certains jugeront ce rappel peu opportun au moment où nous sommes tous fatigués, certains épuisés et d’autres déprimés ou sans ressources. Si je le fais quand même, c’est pour trois raisons. D’abord parce que c’est la vérité. Ensuite parce que les extraordinaires progrès scientifiques qui ont produit le vaccin en quelques mois nous donnent la certitude que le combat sera, à terme, gagné. C’est une immense chance : le SIDA, 40 ans et trente millions de morts après, n’a toujours pas de vaccin. Enfin parce que ce n’est pas en nous apitoyant sur nous-mêmes que nous nous en sortirons, mais en agissant. Du sang, de la sueur et des larmes disait Churchill en 1940. Comparons le sang, la sueur et les larmes que nous avons à verser à ceux qu’ont versés les générations précédentes dans une épreuve bien pire. Et nous découvrirons que le seul mot d’ordre aujourd’hui c’est : montrons-nous à la hauteur.


Interventions au Sénat

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