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Colette MÉLOT : Projet de loi - Ressources propres de l'UE

04 février 2021


Projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, EURATOM) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, EURATOM


Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,


Nous le disons depuis des semaines maintenant, le moment est historique. Une nouvelle étape est en passe d’être franchie dans le projet d’intégration européenne. Cela ne s’est pas fait sans peine, comme tout grand bouleversement européen. Mais ce bouleversement est aussi l’aboutissement d’un processus engagé depuis plusieurs années, car ni la dette commune ni les pistes de ressources propres ne sont nouvelles dans le paysage européen. Une fois de plus à la faveur d’une crise sans pareil, véritable catalyseur de la décision, l’Union s’est dotée d’un instrument autour duquel elle tournait, avec plus ou moins de bienveillance, depuis plusieurs années.

Le Groupe Les Indépendants, résolument européen, votera à l’unanimité en faveur de ce projet de loi. Malgré notre optimisme de principe, notre euroréalisme nous rattrape. Nous sommes conscients des interrogations légitimes que soulève la décision européenne que nous ratifions par ce projet de loi.


Avant de les évoquer, j’aimerais revenir sur 3 points du texte européen qui sont à nos yeux essentiels. Le premier est bien sûr celui des rabais. Au moment de les entériner pour une nouvelle période de 6 ans, pour la dernière fois je l’espère, je tiens à souligner qu’ils constituent un échec renouvelé.


Le second concerne l’article 5, cœur de la décision qui habilite la Commission européenne à emprunter le montant de notre relance au nom de l’Union. Cet article prévoit aussi la stratégie de gestion de la crise. Monsieur le Ministre, le Conseil sera régulièrement informé, le Parlement national devra aussi l’être.


Le troisième renvoie à l’article 9 prévoyant la mise à disposition de ressources par les États membres en dernier recours. C’est notre principale interrogation sur la création des ressources propres. Certaines sont à l’étude depuis des années, d’autres nous demandent une réflexion dans l’urgence. L’unanimité sera en tout cas exigée. Comment ne pas entrevoir les futures tensions et les possibles blocages dans l’adoption de ces ressources propres, à l’image des menaces inadmissibles de véto que nous avons récemment subies par la Pologne et la Hongrie. Cette fois le volet économique et financier doit s’accompagner d’un volet politique. Il en va de l’idée de l’Europe, du soutien de nos peuples et de notre avenir commun.


Car il nous faudra assumer collectivement cette décision, qui est politique avant d’être économique. La dette est devenue une réalité à laquelle nous ne pouvons plus échapper ; il nous appartient désormais de décider qui remboursera, et comment.


En choisissant de doter l’Union de ressources propres, nous faisons le choix de la solidarité. Ce choix nous honore. Mais nous devons l’assumer comme tel. Pour la France, faire le choix de la solidarité, c’est assumer que nos concitoyens contribueront, au plan financier, davantage au projet européen dans le futur que dans le présent, mais aussi davantage que les autres citoyens européens. C’est une lourde responsabilité que nous assumons.


En Europe comme en France, l’argent magique n’existe pas. Il n’y a pas de dépense publique qui ne suppose de recette supplémentaire. Nous devons être clairs sur ce point, car nous avons un devoir de sincérité vis-à-vis de nos concitoyens.


Les pistes retenues pour la création de ressources propres nous semblent les meilleures, notamment celles qui concernent la juste taxation des géants du numériques et la taxation des externalités négatives en matière environnementale. Trop d’acteurs ne paient pas encore leur juste part d’impôt. À l’heure où les dépenses publiques explosent pour faire face à la crise, une telle situation d’injustice fiscale est inacceptable.


Tout doit être fait, en cette période de crise économique, pour éviter de nouveaux impôts pour les Européens. C’est pourquoi il nous faut voter cette décision, de même qu’il nous faut poursuivre nos efforts de réduction des dépenses publiques, afin de renforcer notre souveraineté économique nationale.


Malgré ces points de vigilance, je suis convaincue que cet accord est une bouffée d’air pour l’Europe et l’avenir de ses citoyens. Mais il nous rappelle que nous avons contracté une dette en plus de celle qui apparaît déjà dans nos comptes et qui obère nos marges de manœuvre budgétaires.


Cet accord nous met face à nos responsabilités française et européenne : nous devrons recréer de la croissance et nous désendetter pour recouvrer notre souveraineté économique. Il nous engage sur un chemin politique pour les 60 prochaines années. 2021 a à peine commencé que nous devons avoir 2022 en ligne de mire, et pour plusieurs raisons. La conférence sur l’avenir de l’Europe n’a jamais paru aussi importante. La France prendra une présidence du Conseil qui devra aboutir sur la première délibération au sujet des ressources propres. Enfin, nous commencerons à évaluer les premiers impacts du déploiement du plan de relance européen. Rien n’est impossible aux européens.


Comme toute étape décisive, cet accord soulève autant de doutes que d’espoirs. Mais aujourd’hui plus que jamais nous devons faire le choix de l’Europe pour sauver l’avenir de la France.

Interventions au Sénat

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