13 novembre 2024
Question d'actualité au Gouvernement
Question de Claude Malhuret, Sénateur de l’Allier :
"Zelensky, tu es à 38 jours de perdre tes allocations."
Ce post infâme du fils de Trump sur Instagram confirme toutes les craintes. L'Europe n'était qu'un acteur de second plan derrière les Etats-Unis dans un conflit qui, pourtant, se déroule sur son sol. Elle est désormais en première ligne, elle ne s'y est pas préparée et n'a aucune stratégie globale.
Depuis des années, les Américains nous pressent de prendre une plus grande part du fardeau sécuritaire. Nous avons continué à croire que leur parapluie était éternel. Nous sommes aujourd'hui seuls ou presque face à des ennemis qui menacent nos projets, nos valeurs et surtout notre sécurité.
L'arrivée de 12 000 soldats nord-coréens en Europe, après le soutien massif de la Chine et de l'Iran, marque un tournant dans la guerre.
La réaction de la France ? Convoquer le délégué général de Corée du Nord pour lui signifier, je cite, "notre désapprobation". Merci.
Monsieur le Ministre, au-delà des grandes phrases sur notre soutien indéfectible à l'Ukraine, je vous demande des réponses concrètes à des questions concrètes.
Si les États-Unis et la Russie choisissent de négocier ensemble, et par-dessus notre tête le dépeçage de l'Ukraine et l'avenir de l'Europe, comment comptons-nous réagir ? Si le retrait américain se confirme, avons-nous prévu d'accroître notre soutien à l'Ukraine, et par quels moyens ?
Soutenez-vous l'engagement de Friedrich Merz, probable futur chancelier allemand, de permettre enfin à l'Ukraine de frapper les bases d'où partent les bombes qui détruisent le pays ?
Enfin, quels sont les moyens et le calendrier pour refaire de l'Europe, après 40 ans de déni, la puissance militaire qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être ?
Il n'y a rien de plus dangereux que de croire que nous ne sommes pas en guerre contre des dictateurs qui sont en guerre contre nous et qui le disent.
Pourtant, depuis février 22, nous avons consacré à la défense de l'Ukraine 2 euros, l'équivalent d'un café, par mois et par français.
En 1939, Raymond Aron disait : « Je crois à la victoire des démocraties, à condition qu'elles le veuillent ». Est-ce qu'aujourd'hui, face aux dictateurs du XXIe siècle, nous voulons vraiment cette victoire ?
Réponse de Jean-Noël Barrot, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Président Malhuret,
Mille jours après le début de son opération spéciale en Ukraine, Vladimir Poutine a lamentablement échoué à atteindre ses buts de guerre. Il a sacrifié des centaines de milliers de vies russes dans une guerre dont l'intensité n'a pas de précédent dans notre histoire récente.
Il s'est rendu coupable de faits de déportation des enfants de l'Ukraine qui lui valent un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale. Et il est le premier dirigeant d'un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies à être dans cette situation.
Et il a asphyxié son économie qui est aujourd'hui au bord du gouffre, au point de l'amener à s'agenouiller devant la Corée du Nord pour tenter péniblement d'aller chercher du renfort pour continuer à pilonner l'Ukraine.
Mille jours après le début de cette guerre d'agression russe injustifiable, je crois que Donald Trump est trop avisé pour abandonner les Ukrainiens en rase campagne. Ce serait avaliser la plus grande annexion territoriale de notre histoire depuis 75 ans. Ce serait consacrer la loi du plus fort et précipiter l'ordre international dans le chaos.
Ce serait oublier qu'aucune paix juste et durable ne peut être conclue dans le dos des Ukrainiens et par-dessus la tête des Européens.
Parce que, mille jours après le début de la guerre, le soutien de la France et le soutien de l'Europe ne faiblira pas, quelles que soient les décisions de l'administration américaine.
Dans quelques jours, les soldats ukrainiens qui ont été formés et équipés sur le territoire national gagneront le front ukrainien. Nous irons avec Sébastien Lecornu et un certain nombre de parlementaires leur rendre visite dès demain.
Dans quelques semaines, les Ukrainiens recevront 50 milliards d'euros apportés par les pays du G7, leurs alliés, et financés par les revenus d'aubaine tirés des actifs russes gelés.
Et dans quelques mois, ce seront les mirages français qui voleront dans le ciel de l'Ukraine. C'est aux Ukrainiens qu'il appartient de décider des conditions et du moment d'ouvrir des négociations de paix, et c'est la responsabilité de leurs alliés de leur permettre de rentrer dans ces négociations en position de force.