25 novembre 2024
Projet de loi de finances pour 2025 - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres, les deux, ce n'est pas fréquent en début de PLF,
Monsieur le Président de la Commission des Finances,
Monsieur le Rapporteur Général,
Mes chers Collègues,
« L'État, c'est moi. » Ainsi parlait Louis XIV au Parlement de Paris. Aujourd'hui, en République, l'État, c'est nous, nous tous. Mais qu'est-ce que nous attendons de l'État ? Et quelle doit être sa place dans notre société ?
L'État, mes chers Collègues, est ce que nous décidons collectivement qu'il soit. Et l'État, c'est avant tout ses missions régaliennes. Faut-il les rappeler dans cet hémicycle ? C'est peut-être pas inutile. La sécurité, la justice, l'armée, la diplomatie et la monnaie. C'est ça, les missions premières de l'État. C'est ça, les missions régaliennes.
Des missiles traversaient le ciel européen la semaine dernière et certains parlent encore de décaler la loi de programmation militaire qui porte nos dépenses à seulement 2 % du PIB. Nous dépensons 38 milliards par an dans la politique du logement. C'est trois fois plus que le budget de la Justice. Et pour quel résultat, mes chers Collègues ? Alors qu'il a neigé jeudi dernier dans nos villes et nos campagnes, des gens dorment encore dans la rue et une crise immobilière nous menace.
Nous dépensons deux fois plus en paiement des intérêts de la dette cette année que ce que nous allouons à nos forces de l'ordre pour nous protéger. Nous pensons, au Groupe Les Indépendants, que l'État doit d'abord penser à ses missions premières, mais aussi à la santé et à l'éducation, vous avez raison, mon cher collègue.
Il doit aussi penser aux générations futures en investissant dans la lutte contre le changement climatique et dans la recherche et l'innovation qui nous permettront de rester dans la compétition mondiale.
Mes chers Collègues, pour y arriver, l'État a besoin d'un budget. Et d'un budget équilibré.
Parlons d'abord de nos recettes.
Karl Marx.
Karl Marx, oui.
Karl Marx a écrit qu’« il n'y a qu'une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts, et toujours plus d'impôts. » Mes chers Collègues, je dois dire que cette recette est assez juste et efficace. Malgré les très importants efforts faits en la matière depuis 2017, nous sommes cette année encore le pays de l'OCDE au taux de prélèvement obligatoire le plus important.
Ce record n'est pas une gloire. Comme le prédisait Karl Marx, il contraint nos concitoyens dans leur liberté et nos entreprises dans leur capacité d'innovation. Face à cette réalité, nous n'avons presque plus de marge de manœuvre fiscale pour faire face à la crise budgétaire qui nous menace.
Le Groupe Les Indépendants a défendu pendant des années des baisses de la fiscalité qui ont produit des résultats sensibles : la baisse du chômage, la hausse des investissements étrangers et une compétitivité améliorée. Mais face à la chute imprévue et rapide de nos recettes, et pour éviter une crise financière grave, le Gouvernement fait le choix d'une augmentation exceptionnelle, temporaire, et ciblée -pour vous plagier Monsieur le Ministre- de la fiscalité sur les ménages les plus aisés et sur les plus grandes entreprises de ce pays.
Nous nous y résignons, à contrecœur, mais nous nous assurerons dans ce débat qu'une fois la crise budgétaire évitée, cette hausse des impôts s'éteindra. Et on sait ici qu'en la matière, la mémoire est parfois défaillante.
Parlons de nos dépenses maintenant.
Je vous l'ai dit, les Sénateurs du Groupe Les Indépendants sont attachés aux dépenses régaliennes. Nous soutiendrons donc l'application complète des lois de programmation des ministères de la Défense, de la Justice et de l'Intérieur. Nous vous proposerons, ou nous soutiendrons, par voie de conséquence, une série d'amendements diminuant les dépenses des missions autres que les missions régaliennes auxquelles il faut ajouter la santé, l'éducation, la lutte contre le réchauffement climatique, la recherche et l'innovation que nous souhaitons sanctuariser.
Mes chers Collègues, il faut prendre la mesure des choses lorsque l'on parle des finances de l'État. Nous parlons ici chaque automne de milliards et même de dizaines de milliards pour certaines missions. Mais nous-mêmes, comme nos concitoyens, nous avons parfois perdu le sens de la dépense publique.
Qu'est-ce qu'un milliard d'euros, mes chers Collègues ? Qu'est-ce que dix milliards d'euros ?
Je vous propose de comparer nos dépenses publiques avec deux dépenses palpables que tout le monde ici comprendra. Un milliard d'euros, c'est ce que l'État a décidé de dépenser en 2025 dans son fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, le Fonds vert créé par Christophe Béchu. Ce milliard d'euros irriguera au cours de l'année tous nos territoires pour financer les projets des collectivités territoriales dans les domaines de la performance environnementale, de l'adaptation au changement climatique et de l'amélioration du cadre de vie.
Encore plus concret, 10 milliards d'euros, mes chers Collègues, c'est le coût d'un porte-avions nouvelle génération, celui qui sera mis à la mer d'ici 10 à 15 ans. Des porte-avions, nous n'en construisons que tous les 30 ou 40 ans. Et la France ne pourra en construire qu'un seul.
Comparons avec les dépenses de l'État. Je vous disais, 10 milliards d'euros le porte-avions. En 2024, la charge de la dette de l'État représente plus de 50 milliards d'euros. Chaque année, nous sabordons donc une flotte entière en payant les intérêts de la dette, qui est le fruit de 50 ans de mauvaise gestion, sans même rembourser cette dette, vous l'avez bien souligné, Monsieur le Rapporteur Général.
Sans cette dette, nous aurions donc financé la marine, sans doute la plus puissante du monde, en à peine trois années. C'est ça l'état de nos dépenses, mes chers Collègues.
Alors oui, le Gouvernement nous propose, pour éviter une crise budgétaire, de réduire nos dépenses. Le Gouvernement a bien raison de le faire. Mais au-delà de cette possible crise budgétaire, nous devons nous interroger sur le plus long terme, sur ce que nous faisons réellement de nos deniers publics.
La baisse des dépenses publiques sur le long terme est une absolue nécessité. Elle avait été engagée avec succès, il faut le dire, par Édouard Philippe lorsqu'il était Premier ministre. Et la France avait alors su montrer qu'elle pouvait respecter la règle des 3%. Il faut remonter à 2006 pour retrouver trace d'un tel sérieux économique. Oui, il nous faudra recommencer à baisser durablement les dépenses dès la crise budgétaire évitée.
Il ne s'agit pas de sacrifier tel ou tel service public, mais de se redonner des marges de manœuvre budgétaires pour pouvoir décider, lorsque nous le pourrons, de renforcer tel ou tel service public. Cette diminution des dépenses doit en revanche se concentrer sur les dépenses de fonctionnement des ministères et des agences, pas sur les dépenses d'investissement.
Il en va de même pour nos collectivités, qui sont le cœur battant de notre République. Elles sont prêtes, elles aussi, à participer à l'effort budgétaire de la Nation. Mais cet effort doit être soutenable, il doit être juste et il doit être équitablement réparti entre toutes les collectivités qui le peuvent.
C'est la raison pour laquelle, aux côtés du Rapporteur Général et de la Commission des Finances, nous nous opposerons à une révision du fonds de compensation de la TVA et nous soutiendrons le Rapporteur spécial et la Commission des Finances dans la révision très importante du fonds de réserve qui est demandé aux collectivités territoriales.
Voilà, mes chers Collègues, la position du Groupe Les Indépendants. Vous aurez compris que nous nous attacherons à soutenir le Gouvernement loyalement en faisant porter l'effort en majorité sur la diminution des dépenses publiques et, pour une part qui doit être la plus réduite possible, sur une augmentation exceptionnelle, temporaire et ciblée de la fiscalité sur ceux qui le peuvent.
Je vous remercie.