Marie-Claude Lermytte : Conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques
- Les Indépendants
- 20 févr.
- 3 min de lecture
19 février 2025
Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à l'application en droit français de la directive européenne relative à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques - Dossier législatif
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,
Notre économie s’est grandement transformée ces dix dernières années et les emplois qui en dépendent tout autant.
Transport par VTC, livraisons à domicile, rénovations, services à la personne ne sont que quelques exemples de secteurs qui ont connu une évolution notable ces dernières années et nous nous sommes habitués à voir ces nouveaux travailleurs dans l’espace public.
Les travailleurs des plateformes numériques occupent pour la plupart leur emploi en tant qu’indépendants, à temps partiel ou à temps complet, comme seul emploi ou comme emploi complémentaire.
Leur statut varie effectivement, mais nous nous concentrons aujourd’hui sur ceux qui n’ont pas celui de salarié.
Une part de ces travailleurs est particulièrement attachée à leur statut de non-salariés, car il leur permet de la liberté, de l’indépendance et d’arrondir les fins de mois pour quelques heures de travail.
Les autres travailleurs de plateformes sont bien souvent des salariés déguisés des plateformes numériques. Il faut le reconnaître.
La justice française a essayé d’endiguer le phénomène des faux-indépendants en requalifiant certains contrats. Mais, face à l’ampleur du phénomène, il fallait que le droit change pour s’adapter.
C’est justement l’objet de cette directive européenne.Elle impose de nouvelles règles pour remédier au faux travail indépendant. C’est là la principale avancée de ce texte.
Par ailleurs, elle impose que les plateformes ne puissent plus traiter certains types de données personnelles et que les employés ne puissent plus être licenciés sur la base d’une décision prise par un algorithme.
Nous avons deux ans pour transposer cette directive mes chers collègues. Mais cela nous engage collectivement à la prudence.
Légiférer le premier, c’est souvent légiférer moins bien que les autres. Les plateformes se sont toujours adaptées aux normes en vigueur, c’est le propre de l’ubérisation.
L’Espagne a légiféré en premier avec sa fameuse « Loi Riders » adoptée en 2021 qui a imposé une présomption d’emploi aux plateformes.
Quelles en ont été les conséquences ?
• Une partie des « Riders » espagnols, c’est-à-dire des coursiers à vélo, ont été salariés.
• Une autre partie a perdu son emploi en raison, notamment, de la décision de Deliveroo de quitter le marché espagnol.
• D’autres entreprises comme Uber Eats ont choisi de sous-traiter en embauchant les livreurs via des sociétés intermédiaires, c’est à dire de contourner la loi.
• Enfin, de nombreux Riders espagnols, après avoir été salariés ont tenté de redevenir indépendants, parce qu’être salarié veut dire imposition des revenus, donc baisse du disponible et fin de la liberté dans l’organisation du travail.
Précurseurs les Espagnols ont les avantages mais aussi les inconvénients de leurs décisions .
En France, nous avons choisi d’agir en Européens, afin d’harmoniser nos pratiques pour que la norme soit la même partout.
Nous attendions donc cette directive et nous aurons à la transposer dans le délai imparti, en regardant ce que font nos voisins pour nous en inspirer.
Il nous faudra évidemment laisser derrière nous cette mauvaise habitude française de surtransposer les directives européennes.
Il faudra avoir à l’esprit que transposer cette directive sans déstabiliser un modèle économique qui concerne des milliers d’emplois en France sera un exercice périlleux .
La fragilisation de cette économie touchera d’abord les travailleurs eux-mêmes, puis ensuite les consommateurs , pour qui les prix pourraient augmenter.
Sur un tel sujet, la plupart des groupes de cet hémicycle pourraient être au diapason, mais votre proposition de résolution m’indique le contraire.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe Les Indépendants ne s’associeront donc pas à cette proposition de résolution.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.