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Vanina Paoli-Gagin : Bilan et influence du Haut-commissariat au plan

10 avril 2024

Débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? »



Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes Chers Collègues,


Pendant plus de 60 ans, le Commissariat général du Plan a structuré nos politiques publiques. Il a piloté les grands projets menés par l’État. Aujourd’hui encore, nous bénéficions de ses réalisations en matière d’infrastructures stratégiques, telles que les centrales nucléaires ou les lignes de TGV.


De 1946 à 2006, ce Commissariat a garanti la continuité de ces projets structurants, par-delà les changements les alternances politiques. La construction de notre parc nucléaire constitue à cet égard une réalisation unique sous la Ve République.


Voulu par le Général de Gaulle, pensé sous Georges Pompidou et industrialisé sous Valéry Giscard d’Estaing, poursuivi par François Mitterrand, entretenu par Jacques Chirac et défendu par Nicolas Sarkozy, il aura finalement été sabordé par François Hollande. Heureusement, les réalisations du plan Messmer ont résisté à l’accord entre les écologistes et les socialistes.


Alors que l’EPR de Flamanville est, souhaitons-le, sur le point d’être mis en service, après 20 ans de travaux et 12 ans de retard, où en est l’efficacité de notre planification ? Rappelons que dans les années 1980, nous parvenions à mettre en service jusqu’à 6 réacteurs nucléaires par an.


De telles performances nous paraissent désormais hors de portée. Que s’est-il donc passé pour que nous craignions d’échouer aujourd’hui, là nous avons réussi hier ?


En 2006, on a cru « moderniser » l’action publique en dépoussiérant le vieux Commissariat général du Plan. Le nom sonnait sans doute suranné, trop Trente Glorieuses, ambiance Louis de Funès, Boris Vian et Deux Chevaux. Mais en renommant ainsi l’institution, on a changé sa fonction.


C’est à cette époque que de nombreux dirigeants politiques et économiques se sont fourvoyés en poursuivant le mirage d’une France « sans usines ». On pensait alors que notre pays, forcément plus intelligent que les autres, pourrait rester un centre de décisions, en cessant d’être un site de production.


Il aura fallu une succession de crises sans précédent pour que nous revenions à la raison, en retrouvant l’urgence du temps long. Avec la crise sanitaire, la crise énergétique et la guerre en Europe, notre pays redécouvre l’impérieuse nécessité de bâtir des politiques publiques par-delà les cycles électoraux.


Pour réindustrialiser le pays, faire émerger des innovations de rupture, relancer un programme nucléaire ambitieux, garantir notre indépendance sanitaire, mais aussi pour assurer notre souveraineté alimentaire et renforcer notre arsenal militaire, nous devons fixer des objectifs et construire des stratégies.


Dans cette perspective, tout ce qui contribue à placer le débat politique dans le temps long, tout ce qui permet de l’extraire des querelles politiciennes, sert les intérêts de la France.


C’est, j’en suis sûre, tout l’objet de ce débat. Je n’imagine pas que nos collègues écologistes, qui nous rappellent sans cesse l’urgence du défi climatique et la nécessité de la planification écologique, aient pu céder à quelque tentation politicienne, en proposant ce débat sur le Haut-Commissariat au Plan.


Car en décochant des flèches sur le sujet de la planification, en visant le Gouvernement et sa majorité, vous critiquez de fait ce que vous défendez depuis des années.


Attaquer le Haut-Commissariat au Plan, pour mieux défendre la planification écologique, c’est comme critiquer les chasseurs pour mieux défendre la chasse. Ça ne fonctionne pas.


Est-ce à dire que l’action du Haut-Commissariat au Plan suffit pour renouer avec la France des grands projets industriels ? Certainement pas. Il manque même l’essentiel.


Au fond, le problème du Haut-Commissariat au Plan, ce n’est pas la qualité de ses travaux, c’est que personne ne les applique. C’est un laboratoire d’idées, pas un démonstrateur.


Tout est dans les mots : le Commissariat général du Plan est devenu le Haut-Commissariat au Plan, comme s’il regardait désormais la planification comme une chose lointaine, sur laquelle on n’a plus de prise. Et c’est malheureusement le cas. La comparaison avec la Chine est, à cet égard, révélatrice.


Les Chinois sont devenus les champions de la planification. Ils ont fait ce qu’ils savent faire : copier une idée produite à l’étranger pour l’industrialiser chez eux. Et en Chine, lorsque l’objectif est fixé, tout l’appareil d’État se mobilise d’un coup.


La planification à la française ne doit pas déterminer tous les aspects de la société. Mais elle devrait au moins déterminer tous les aspects de l’action publique. Il ne s’agit pas de rejouer les Trente Glorieuses, mais de répondre aux défis du XXIe siècle


Depuis 2020, le Haut-Commissariat au Plan a publié d’excellents rapports sur la démographie, l’agriculture, le travail, le commerce extérieur, le nucléaire, les retraites. Mais si ces rapports ne servent qu’à garnir des bibliothèques, si nous n’en tirons aucune leçon de politiques publiques, la France se condamne elle-même au déclassement.


Nous sommes rentrés dans l’Âge du Faire – « F A I R E ». Il faut désormais nous ressaisir, non pas en ressassant des rapports, mais en les appliquant. En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Il faut désormais les mettre en œuvre.


SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

 

Interventions au Sénat

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